Pour ses 100 ans, la galerie Larock-Granoff fait un point d’étape avec son exposition Espoirs et certitudes : un regard sur le chemin parcouru et sur la direction à prendre, toujours aux côtés des artistes.
En 1924, Katia Granoff s’installe à Paris, après avoir quitté l’empire russe et ses révolutions puis fait des études de lettres et de sciences sociales en Suisse. Très vite, elle rencontre de nombreux artistes, dont Marc Chagall, et commence à vendre leurs tableaux dans son appartement. Deux ans plus tard elle ouvre sa première galerie, et s’installe dans la galerie actuelle quai de Conti en 1937. Si son statut de juive ukrainienne célibataire lui fait perdre tout ce qu’elle a pendant la guerre, elle rebâtit tout de zéro et possède quatre galeries dans les années 1970 : deux à Paris, une à Honfleur et une à Cannes. Entourée de sa sœur et de ses neveux, elle mène sa vie de façon indépendante, mêlant vie privée et vie professionnelle, et suivant ses goûts et ses instincts.
Ainsi, elle soutient l’œuvre de Monet aux côtés de son fils Michel dans les années 1950, alors que les Nymphéas font scandale, et est la seule à exposer le triptyque de l’Agapanthe en entier en 1956, avant qu’il ne parte dans trois musées des Etats-Unis. Car quand Katia Granoff s’engage auprès d’un artiste, elle devient sa marchande, sa mécène et son amie. Faisant passer l’art en premier et privilégiant les relations longues, elle se place plus dans une dynamique de transmission de l’art plutôt que dans un simple rapport transactionnel. Cette philosophie s’est transmise à son neveu, ses petits-neveux et arrière-petits-neveux, qui ont continué à faire vivre cette galerie de famille.
Aujourd’hui, quand on entre dans la galerie Larock-Granoff, qui occupe le rez-de-chaussée de l’hôtel Sillery-Genlis construit par Mansart au 17ème siècle, on est happés par ses volumes incroyables et ses proportions accueillantes. Les grands fauteuils de velours et la petite pièce couverte de boiseries donnant sur cour semblent nous inviter à prendre le temps de nouer des liens avec les œuvres, dans le confort d’un intérieur semi-domestique. Katia Granoff, sa sœur et son neveu ont vécu ici, et l’atmosphère familiale parait avoir imprégné les murs.
L’exposition Espoirs et certitudes, qui se termine le 5 octobre, est un hommage à l’exposition éponyme de 1964 qui avait réuni dans la galerie nombre des plus grands noms de l’art du 20ème siècle. Katia Granoff aimait les expositions collectives qui mettaient en relation artistes déjà établis et jeunes espoirs, et où l’art rassemblait, quel que soit le sexe ou la nationalité. Aujourd’hui, la sélection des artistes se concentre sur les femmes soutenues par la galerie, 8 artistes historiques et 8 contemporaines, sur les quelques 123 qui ont été exposées depuis 1924. La figure de Katia Granoff veille sur l’ensemble par ses deux grands portraits peints par Fahrelnissa Zeid et le bronze de Chana Orloff.
Les artistes historiques inspirent les jeunes et les jeunes font ressortir la modernité de leurs ainées, et nous suivons les liens et les correspondances entre les couleurs des toiles de Margaux Desombre et celles de Jacqueline Marval, entre les formes géométriques des canevas de Rose Granoff et les totems de verre soufflé de Marie-Victoire Winckler. Peinture, photographie, sculpture, design, broderie et arts graphiques cohabitent et offrent un aperçu du goût, de la passion de Katia Granoff pour l’art et des nécessaires force de caractère et indépendance d’esprit dont elle a dû faire preuve au long de sa vie. Et les artistes ne s’y sont pas trompés : elle fut un vrai modèle.
Espoirs et Certitudes
Exposition du 12 septembre au 5 octobre 2024
Galerie Larock-Granoff – Paris 6
Visuels : Vues de l’exposition Espoirs et certitudes © Sophie Labruyère