Jean-François Pitet : « Le seul sport que pratiquait Cabu, c’était dessiner »

Comment avez-vous eu cette drôle d’idée d’associer les mots « Cabu » et « sport » dans une même phrase? Etait-il sportif?

Pas du tout. De tout temps, Cabu a détesté les cours de gym. C’était pour lui comme un entraînement au service militaire. Lui, il était comme le Grand Duduche : il voulait se mettre au fond de la classe et qu’on le laisse tranquille. Le seul sport que pratiquait Cabu, c’était dessiner. Mais dans le domaine, c’était plutôt un athlète de compétition.

C’est parce qu’il était avant tout journaliste qu’il s’est intéressé au monde du sport?

Oui, le public et le monde du sport, les athlètes, les décideurs, les journalistes, c’était un sujet aussi intéressant pour lui que la politique. C’est une société en réduction : tout un univers, une économie, avec des gueules, des figures importantes. Ce sont aussi des entourloupes, des malfaçons, du dopage, tout un tas de sujets extrêmement intéressants pour le journaliste qu’il était.

On sent aussi qu’il avait un vrai plaisir à dessiner ce petit monde.
Son regard de journaliste se complétait aussi d’un regard de dessinateur, parce que, comme dans le jazz, il aimait les corps en mouvement. Même si, paradoxalement, ses dessins étaient imprimés dans des journaux, dans de toutes petits cases entre deux colonnes. Il aimait le spectacle, ce qui se passait sur scène. Et un podium, c’est une scène. Un peloton, c’est une scène avec de nombreux comédiens.

Faisait-il des reportages?

En véritable journaliste, il allait sur place. Il lui est arrivé plusieurs fois de suivre la caravane du Tour de France, d’assister à des matchs ou tout simplement d’aller dans des bistrots pour suivre en direct la retransmission d’un match. Le public d’une manifestation sportive, c’est comme celui d’un théâtre ou d’une assemblée politique, il y a de tout : des gens formidables et des beaufs. Et dans les sportifs, il voyait des monstres de foire, des types qui sont dopés, achetés et achetables, des gens finalement qui sont dupés aux mêmes par tout le système.

Mais pour autant, il ne portait jamais sur eux un regard méprisant.
Bien au contraire. Cabu montre une vérité : le monde sportif est un monde comme un autre, avec ses travers. Le sport n’est pas seulement ce domaine absolument incroyable d’athlètes au-dessus du lot, c’est surtout une histoire de business.

Dans les dizaines de milliers que Cabu a réalisés au cours de sa longue carrière, comment s’en sort-on pour dégager une thématique et sélectionner les dessins?

C’est vrai qu’il a dessiné pendant plus de soixante ans, sur tous les sujets comme le sport olympique , le Tour de France, Roland Garros etc. Le sport revient régulièrement donc il faut regarder toutes les parutions et retrouver comment cette année-là il a parlé du Mondial de foot, jaugé les supporters, dénoncé les conséquences des JO dans les villes… Et dans toutes ces publications, on arrive au fur et à mesure à faire de grandes thématiques. Comme Nice accueille cette année le Tour de France et l’épreuve de foot des JO, on a donc créé des parties sur le JO, sur le football, sur le Tour de France, sur les supporters, sur les journalistes sportifs et, comme Cabu est un caricaturiste hors pair, il y a aussi toute une galerie de portraits qui permet de voir comment il a dessiné nos plus grands vainqueurs. C’est la galerie des têtes de vainqueurs.