« Vade Retro » de Antonin Peretjatko : Les dents de la galère
par Camille Griner22.12.2025
Après son documentaire Voyage au bord de la guerre, Antonin Peretjatko est de retour au cinéma avec la fiction vampirique Vade Retro.
Le 18 juin dernier, Antonin Peretjatko revenait dans les salles obscures avec Voyage au bord de la guerre, road trip en 16 mm tourné quelques semaines après l’invasion russe en Ukraine, dynamitant les codes du documentaire avec sa patte toute personnelle. Dans son dernier-né, baptisé Vade Retro, l’enfant loufoque du cinéma français s’attaque cette fois-ci à l’horreur gothique, et plus particulièrement à la figure du vampire. Pour son premier véritable saut dans le cinéma de genre, Antonin Peretjatko offre un long métrage absurde et foutraque qui déclenche de larges sourires d’un bout à l’autre de son intrigue. Une intrigue jamais dénuée de défauts, mais pourtant pleine de charme.
Alors que l’aube se lève sur un château à flanc de falaise, un orgue et des tambours s’en donnent à cœur joie pour installer une atmosphère mélancolique et épique sur ces images d’Épinal qui fleurent bon les vampires et l’hémoglobine. Exit Dracula, Nosferatu et autre Edward Cullen, entre moult autres buveurs de sang emblématiques, Vade Retro lorgne plutôt du côté du tout récent et réussi Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant (2023) d’Ariane Louis-Seize. Un film avec lequel le nouveau projet de Peretjatko partage un goût certain pour les vampires à la ramasse, flippés à l’idée de quitter le cocon familial dans lequel le sang tombe tout frais dans le gosier via Papa/Maman.
Passion globules
La comédie horrifique d’Antonin Peretjatko conte les aléas de Norbert (Estéban), vampire âgé de 350 ans issu d’une famille aristo-réac’, qui doit trouver une femme de sang pur à mordre et à épouser s’il veut survivre, devenir adulte et surtout ne pas être renié par ses géniteurs. Envoyé au Japon à bord du « Speed Rabbit », accompagné de son valet Didier (Pascal Tagnati), Norbert fait naufrage sur l’île de Boulet Rouge, contrée de tous les métissages. Le fiston aux dents longues va dès lors croiser une panoplie de personnages rocambolesques dans sa quête : des religieux de tous bords complètement brindezingues, une chirurgienne qui rajeunit les personnes âgées et ne croit pas en l’existence des vampires, ou encore un sorcier bancal campé par Pascal Légitimus.
Au sein de ce farfelu et joyeux bordel, Vade Retro pousse les curseurs du bon gros nanar à coups d’effets cartoonesques et bricolés. Constamment dans la surenchère de l’étrange et du too much, Antonin Peretjatko s’amuse avec les codes du film de vampire et dissémine tout au long du récit des pistes réflectives et visuelles intéressantes. De la transidentité au consentement, en passant par le jeunisme, Vade Retro interroge souvent maladroitement, mais avec une sincérité et une originalité qui font mouche, les maux de notre société contemporaine. L’univers du cinéaste made in Grenoble n’a décidément pas fini de nous faire (sou)rire, et surtout de nous désarçonner.
Vade Retro de Antonin Peretjatko. Avec Estéban, Pascal Tagnati, Yolène Gontrand… 01h35. France. Tout public avec avertissement. Sortie le 31 Décembre 2025.
Visuel : © Paname Distribution
