Du 06 au 09 févier, le cinéma l’Arlequin accueille à Paris la première édition du Festival CinéBaltique, le premier festival français dédié aux cinémas de Lituanie, Lettonie et Estonie. Son programmateur Thibaut Bracq nous raconte sa découverte des cinémas baltiques et quels invité.e.s et découvertes on peut attendre pour ce festival inaugural.
Jeune étudiant, je m’intéressais déjà au cinéma indépendant, et je dévorais les films de Bela Tarr, Tarkovski, Nuri Bilge Ceylan, Abbas Kiarostami, Wim Wenders, Wong-Kar-Wai…. Le cinéma a été pour moi une formidable ouverture sur le monde, ses enjeux, sa complexité. Après mes études, j’ai eu la chance de travailler comme programmateur de films (Premiers Plans, Ulaanbaatar IFF, Poitiers IFF), ainsi que sur différents programmes d’accompagnement professionnel qui interviennent à l’étape du développement des projets en amont de leur tournage (Ateliers d’Angers, Locarno Pro, Ateliers de l’Atlas – Marrakech IFF, la Fabrique – Cannes…). J’ai ainsi pu explorer et accompagner les cinématographies contemporaines d’Europe, d’Amérique latine, d’Asie, du monde arabe et du continent africain, avec un prisme très fort lié aux cinéastes émergents.
C’était à l’automne 2006, lors de ma première année en tant que stagiaire programmateur pour le festival Premiers Plans d’Angers, pour lequel j’ai ensuite travaillé treize ans. J’ai été marqué par la beauté visuelle d’un moyen métrage estonien Tühirand (Empty) de Veiko Õunpuu, cinéaste dont nous avons ensuite sélectionné les premiers longs métrages au festival. Je me souviens d’un film marqué par l’absurde et une mélancolie profonde de ses personnages. Ce fut ma première révélation balte. Par la suite, nous avons montré de très nombreux films, films d’école, courts et longs métrages, d’animation et de fiction.
Je ne suis pas spécialiste de l’Histoire des pays baltes, mais chaque pays a ses particularités. Par exemple, j’ai été surpris de découvrir que le letton et le lituanien sont des langues baltes appartenant à la famille des langues indo-européennes, tandis que l’estonien, langue finno-ougrienne, est proche du finnois. De même, la Lituanie est catholique, les deux autres pays, protestants. Leur identité commune s’est construite après leur première indépendance vis-à-vis de la Russie en 1918, puis lors de la fin du bloc soviétique. En termes esthétiques, il y a de vrais ponts entre ces trois pays, et de nombreux films, courts et longs, sont le fruit d’une coproduction entre deux pays baltes. L’animation tient une part de choix également sur ces territoires, mais pas seulement. Ces dernières années ont vu émerger des propositions fortes de documentaires et de fictions. Des écoles de cinéma existent dans chaque pays, et notamment la Baltic Film School à Tallinn en Estonie.
Avec le soutien des centres du cinéma baltes, nous avons pu inviter de nombreux cinéastes et/ou producteurs. Ainsi, nous pouvons annoncer que toutes les séances seront accompagnées. Nous allons accueillir Saulė Bliuvaitė en ouverture du festival, la cinéaste du film Toxic, grand prix du festival de Locarno cette année. À noter que cette séance est organisée en collaboration avec le festival Regards Satellites qui aura lieu aux mêmes dates. Les cinéastes Liina Triškina-Vanhatalo (Lioness), Juris Kursietis (The Exalted), et l’actrice Gelminė Glemžaitė (Drowning Dry) viendront montrer leur film pour la première fois au public français. La liste n’est pas exhaustive mais ça vous donne un petit aperçu de la délégation d’une quinzaine d’invités qui graviteront autour de CinéBaltique.
J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec chaque centre du cinéma balte. Ils m’ont conseillé et guidé dans la sélection, tout en me laissant une entière liberté. C’était très appréciable. Le film classique, Four White Shirts, restauré par Cannes Classics en 2018, s’est imposé comme une évidence, tant cette comédie musicale réalisée en 2018 et abordant la censure, m’a semblé être d’une grande contemporanéité. Pour Smoke Sauna Sisterhood, c’est la puissance de son sujet et l’intimité qui s’en dégage qui m’ont donné envie de le projeter à nouveau en France. Il sera précédé d’un court métrage, Sauna Days, projeté en exclusivité et découvert à la Semaine de la Critique au festival de Cannes, qui nous fait vivre l’expérience du sauna cette fois du point de vue des hommes. Ce sera une belle séance de clôture, en présence de sa réalisatrice Anna Hints, qui, j’espère fera dialoguer le public.
Les films baltes sont sélectionnés dans les grands festivals de catégorie A du monde. Au festival de Cannes cette année, on pouvait voir le long métrage letton d’animation Flow, ainsi que le court métrage lituanien Ootid en sélection officielle. Puis découvrir le court métrage estonien Sauna Days à la Semaine de la Critique. Les trois pays étaient donc représentés au cœur d’un festival extrêmement sélectif. Le festival Black Nights de Tallinn est un festival majeur pour la découverte des nouveaux films baltes. Je n’y suis pas allé cette année, mais j’espère avoir l’occasion de m’y rendre prochainement !
Ils peuvent être nombreux, mais nous serons attentifs à la fréquentation des publics et à l’intérêt que peut susciter le cinéma balte. Nous veillerons en priorité à créer un espace de dialogue entre les cinéastes invités et le public. L’annonce de cette première édition a déjà suscité beaucoup d’enthousiasme, et nous espérons qu’elle contribuera à inscrire plus facilement les films baltes dans la cartographie mondiale des pays dont la cinématographie compte.
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