« Requiem for a Dream », indémodable, revient le 9 avril
par Camille Zingraff27.03.2025
Requiem for a Dream est un drame crescendo dont on a du mal à ressortir lorsque les dernières images, presque insoutenables, s’arrêtent pour laisser place au générique. La dépendance, sous tous ses aspects, y est dépeinte : les corps et les visages se creusent, devenant cadavériques et fantomatiques, les yeux sont globuleux et le regard se vident.
Un film CULT
Sorti en 2000, Requiem for a Dream de Darren Aronofsky s’est imposé comme un chef-d’œuvre cinématographique incontournable. Adapté du roman de Hubert Selby Jr., le film transcende la simple dénonciation des ravages de la drogue pour livrer une expérience cinématographique hors normes. Avec une précision chirurgicale, il illustre la spirale infernale de la dépendance, qu’elle soit liée aux drogues, à la télévision ou aux rêves inaccessibles. Bien que 25 ans se soient passés, le film est toujours brûlant d’actualité et aurait pu être réalisé hier.
L’addiction au pluriel
Si au début la narration est double, Sara Goldfarb et son fils, Harry, l’addiction emmène tout le monde dans son giron. La première, complètement dépendante d’une émission de télévision et baignant dans une solitude morose, commence un régime aux amphétamines qui la rongent petit à petit tandis que son fils, de dealer à « junkie » s’enfonce, avec son meilleur ami Ty et sa copine Marion, dans les méandres de la drogue.
Filmer la dépendance
Dans ce long-métrage de Darren Aronofsky, la réalisation mime l’addiction jusque dans les moindres détails. De l’été et du rêve éveillé de Marion et Harry, jusqu’au tournant automnal qui les précipite dans l’héroïne, les quatre saisons dépérissent au même rythme que les personnages. La saison hivernale incarne le déclin absolu. En parallèle, comme des doses à ingérer, les plans répétitifs miment le processus addictif. Pilule. Injection ou ingestion. Diffusion destructrice dans un corps qui se dilate. Cette approche visuelle est combinée à la bande-son oppressante de Clint Mansell et Kronos Quarter. La musique Lux æterna, devenue désormais culte, accompagne magistralement la dérive des personnages dans la dépendance et les drogues. Personnification du requiem, cette musique résonne telle une marche funèbre avec son tempo lent, les deux temps binaire et une tonalité mineure.
Requiem pour un enfer
Comme pour prolonger le mal-être des personnages, l’effroi et le dégoût traversent l’écran et s’installent dans nos ventres noués. Face à la descente aux enfers des personnages et à l’accélération des plans de plus en plus frénétiques, l’horreur nous gagne. Les plans s’accélèrent, les pupilles se dilates, les corps tremblent. Une dose. C’est tout ce qu’on attend. Cette drogue, qui s’infuse dans les corps des personnages, prend possession du film lui-même. L’hallucination prend possession du récit, jusqu’à nous faire perdre pied entre fiction et réalité. Puis survient l’explosion, d’une violence insoutenable. Les destins se fracturent et chaque personnage finit seul, broyé par son propre enfer. Harry, le bras en lambeaux, est traité comme un simple déchet par les services hospitaliers. Tyrone, abandonné dans une prison où il ne sera jamais rien d’autre qu’un corps noir, anonyme et brisé. Sara, vidée de toute humanité, enfermée dans un silence psychiatrique qui l’éteint à jamais. Marion, elle, vend son corps dans une orgie que l’on peine à regarder, troquant ses rêves contre la promesse d’une prochaine dose.
À la fin, il ne reste rien. Pas d’espoir, ni de salut. Le vide de fin nous laisse hébété.es.
visuel : ©Protozoa
Le 9 avril, Requiem for a Dream ressort en 4K Ultra HD Blu-Ray.
