En compétition au festival du film international de Saint-Jean-de-Luz, Juliette Van Dormael a proposé son premier film, suite logique de son court métrage Sœur présenté en 2020 et multi primé. Inspiré d’une histoire vraie.
En pleine nuit, un appel à la police, pose le drame d’une femme en danger. Un homme est arrêté. Les semaines passent, la justice cherche des preuves. Aly, Anna et Dary font face aux échos de cette nuit qu’ils ne parviennent pas à surmonter et qui irradient même leurs proches.
Un coup de maître pour ce démarrage en mode thriller qui nous prend à témoins d’une scène invisible. Un échange téléphonique est l’ornière qui donne accès à la scène du drame pendant toute la durée de l’enquête.
La réalisatrice belge dissèque les personnages d’un drame ordinaire. A bonne distance, elle scrute sans jugement les failles et les éclats de sincérité du point de vue de chaque personnage pour construire une vision à 360°. Le résultat : un chaud-froid troublant dans le jeu du trio d’acteurs, qui communiquent magistralement le doute. Selma Alaoui et Guillaume Duhesme sont excellents. Ils transmettent en un regard l’épaisseur humaine et complexe de la terreur froide et de la capacité de résilience. Tout semble si naturel que l’incursion de Anne Dorval (figure du cinema canadien) et Guillaume Tranchant (acolyte d’Orel San, Gringe) nous apparaissent comme des moments de vie familiers.
Les bruits et la musique un peu techno vibrant comme des battements de cœur, maintiennent aussi l’angoisse permanente relayée par un éclairage partiel comme factice au début, qui progressivement devient plus franc au fur et à mesure qu’on remonte le temps et qu’on s’approche de la vérité
Sur le fond comme sur la forme, c’est tout bon. La tension est constante dans ce film enquête qui remonte progressivement les heures qui ont suivi le drame, chronique d’un dérapage contrôlé.
Un travail sérieux sur la reconstitution, qui montre la vulnérabilité de la condition de victime entre déni et résignation. Et comment l’impunité d’une agression suspend le processus de réparation, jusqu’à faire vriller l’équilibre des gestes quotidiens. Un film profond qui interroge sur le coût du consentement avec lequel chacun est obligé de dealer dans son intimité pour se soustraire à une réalité trop laide et trop violente, sur laquelle on n’a aucune emprise.
Quitter la nuit, de Delphine Girard, avec Selma Alaoui, Guillaume Duhesme, Veerle Baetens, Anne Dorval, Guillaume Tranchant, Belgique / France, 1h48, Sortie prévue en 2024
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