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Le festival du cinéma israélien à Paris : la « Carte blanche à Reymonde Amsellem » plebiscitée par le public

par Hannah Starman
22.03.2024

Du 18 au 26 mars 2024, Majestic Passy accueille le Festival du cinéma israélien à Paris. La programmation de cette 24ème édition réunit vingt-sept films d’une grande qualité qui reflètent autant la variété que la vitalité de la production cinématographique israélienne. Malgré « les temps très difficiles », évoqués par chacun des intervenants présents, le cinéma israélien n’a rien perdu de sa créativité et de son audace, bien au contraire !

Le Majestic affiche complet pour toutes les projections de Matchmaking et Sept bénédictions. Ce dernier a été projeté simultanément dans deux salles et à une demi-heure de décalage pour permettre à tous les spectateurs de profiter de la présence des invités :  l’actrice Reymonde Amsellem, l’historien Georges Bensoussan, le président du CRIF Yonathan Arfi et Alexandra Sigal, représentante du projet Israeli House du Ministère de l’alya et de l’intégration.

 

Matchmaking : une délicieuse et tordante comédie

 

Matchmaking, Sept bénédictions et The Future font partie de la section « Carte blanche à Reymonde Amsellem ».  Dans Matchmaking, la star israélienne de 44 ans est la mère de Nehami, l’envoûtante fille de l’épicier séfarade Rahamim Aziza Biton. Motti Bernstein, un très éligible ashkénaze et brillant élève de la yeshiva tombe éperdument amoureux de Nehami et son subterfuge pour décrocher un rendez-vous avec Nehami contrevient à toutes les règles de sa communauté et provoque des scènes drôles et pétries de charme.

 

Certes, le scénario force le trait, parfois jusqu’à la caricature, comme par exemple dans les scènes du speed-dating ultraorthodoxe dans le lobby d’un hôtel, la hiérarchisation des candidats par l’entremetteuse (« si on apprend qu’il est asthmatique, il ne lui resteront que les divorcées ») et les mères qui tripotent des oranges «pendant 34 min» chez le primeur devant le séminaire de filles, dans l’espoir d’en identifier une pour son fils.

 

Les héros principaux, le beau et brillant Motti Bernstein (Amit Rahav) et la jolie et intelligente Nehami (Liana Ayoun), sont tous les deux aussi attachants que déterminés, mais la comédie est portée surtout par des personnages secondaires riches en couleur : l’entremetteuse Malki (Irit Kaplan), le père de Nehami (Roy Assaf) et le cuisinier de la yeshiva, Ahmed. Interprété par l’acteur palestinien Hitham Omari, Ahmed n’hésitera pas à donner des conseils au jeune Motti, parsemant son discours d’expressions en arabe et en yiddish à parts égales. Tout est bien qui finit bien : lors du vort (fiançailles), après un dernier revirement comique, la grand-mère de Nehami « a poussé des cris et la mère Berstein s’est évanouie. »

 

Sept bénédictions : Reymonde Amsellem magistrale

 

Dans un registre autrement plus douloureux, Sept bénédictions aborde la pratique de la communauté juive marocaine qui consistait à donner des enfants à des femmes stériles. Reymonde Amsellem est l’interprète principale et coscénariste (avec sa cousine germaine Elinor Sela) de cette bouleversante histoire de famille qui a remporté 10 prix Ophir en septembre 2023 dont celui de la meilleure interprétation féminine. Le film est d’autant plus personnel pour Amsellem et Sela que plusieurs membres de leur famille y jouent les rôles clés pour évoquer la maternité de substitution (qui ne semble pas un sujet inconnu dans la famille). Les caftans traditionnels utilisés sont également ceux de la famille et même les plats qui figurent dans le film ont été cuisinés par leurs mères et tantes. Après avoir remercié le public de leur soutien au cinéma israélien, Reymonde Amsellem introduit Sept bénédictions comme « une lettre d’amour à la génération de nos grands-parents. »

 

Dans Sept bénédictions la famille marocaine de Marie se retrouve confrontée, au travers des sept repas rituels qui suivent son mariage avec Dan, à ses secrets et aux stratagèmes des uns et des autres pour les ignorer ou au contraire, les révéler. Le personnage central suscite autant l’admiration que la jalousie. Partie en France où elle a fait des études et décroché un beau poste de directrice de banque, Marie revient en Israël pour se marier avec un Ashkénaze. Apportant en plus une malle de cadeaux signés Vuitton et Hermès, elle affiche  toutes les signes extérieurs d’une fabuleuse réussite sociale pour une femme issue de la communauté juive marocaine.

 

 

Reymonde Amsellem déconstruit, avec sensibilité et justesse, un personnage qui a mis des années d’années à se construire une carapace de femme performante et inébranlable. Toujours dans l’intimité – au lit avec sa sœur pour lui épargner les demandes conjugales de son rustre de mari ou autour d’une table – elle se montre vulnérable («J’étais une enfant triste») sans jamais rencontrer de compassion. «Tu as toujours tout eu, ta propre chambre, tes jouets, tout », lui reprochent ses sœurs, énumérant de nombreux obstacles qu’elles-mêmes avaient rencontrés sur leur parcours. Même Dan est perdu quand elle lui dit «Tu es ma seule famille». « Qui sont les 40 personnes que je vois à chaque repas alors? » répond-il, mais sa blague tombe à plat. Dans une scène prodigieusement cruelle, la détresse et la rage de Marie se confrontent à l’inconscience complaisante de sa mère, qui ne comprend pas ce que sa fille lui veut. « Je veux que tu te mettes par terre et que tu demandes pardon. Dis que tu le regrettes ! », hurle Marie devant l’assemblée familiale stupéfaite. Immanquablement, la réponse de sa mère est dévastatrice : « Si c’était à refaire, je te donnerai encore une fois. »

 

Malgré quelques raccourcis à la fin, Sept bénédictions comptera sans doute parmi les grands films du cinéma israélien : une mise en lumière d’une pratique singulière et destructrice, mais aussi un hommage à toutes les femmes (on ne donnait pas les garçons, trop précieux) qui ont été abandonnées par leurs mères pour soulager la douleur des couples ne pouvant pas avoir d’enfants. Leurs noms, visages et âges au moment de l’abandon défilent après le générique de fin pour nous le rappeler.

Lorsque la lumière revient après le film, de nombreux visages sont couverts de larmes. « C’est arrivé chez nous aussi », chuchote une spectatrice voisine. L’organisation nous informe que, vu le succès du film, une séance supplémentaire serait ajoutée au programme du festival, mais le film ne sera malheureusement pas diffusé en France et c’est bien dommage.

Visuels : scènes de Matchmaking et Sept bénédictions, avec l’aimable autorisation su service de relations publiques.