La sélection de films qui sera projetée par l’Acid au cours du festival de Cannes affiche des thématiques claires et suivies. Les points de vue originaux n’ont plus qu’à se déployer.
Tous les longs-métrages élus l’Acid et ses cinéastes programmateurs qui seront à voir pendant le temps de Cannes 2024 ont en commun de broder sur des thématiques très communes. Parmi celles-ci, le fait de grandir avec plus ou moins de succès, ou la confrontation avec un passé qu’on ne connaît en fait pas forcément bien. On peut juger que les choix opérés promettent, au final, une mosaïque assez belle : ce cadre posé, un spectateur qui verra toute la sélection n’en ressentira que mieux les différents styles qui la composent. Des styles qu’on a déjà plus ou moins vu s’illustrer, dans les salles françaises.
Au sein des prévisions faites par certains cinéphiles avant la mi-mai, quant aux longs-métrages qui seraient ou pas sélectionnés au final, Mi bestia de Camila Beltran revenait souvent. Il figure au final au sein de la sélection de l’Acid. Sa jeune héroïne colombienne y vit son passage à l’adolescence, et les menaces du monde autour qu’il entraîne. Le tout alors que se produit une éclipse de Lune faisant redouter à tous la venue du Diable. Un film avec pour distributeur français New Story, dont le point de départ a de quoi en intriguer certains. Les protagonistes de Kyuka (Before summer’s end) du grec Kostis Charamountanis sont eux aussi des adolescents obligés de vivre un passage vers un autre âge. Cette fois, c’est autour du cadre insulaire et ensoleillé de l’île de Poros que leur réalité familiale les rattrape. Quant au héros déjà adulte et cinquantenaire d’In retreat, qui se passe en Inde et est réalisé par Maisam Ali, il tente de se soustraire à des vérités à affronter, en retardant son arrivée dans sa famille le plus possible. Et pour ce qui est du documentaire Un pays en flammes, il suit une famille, qui se transmet des secrets portant sur le feu, dans les Landes françaises. Avec a priori une forme un peu onirique.
L’américain Josh Mond est de ceux que l’on ne connaît encore pas bien. Dans It doesn’t matter, il cadre lui aussi un jeune homme dans une phase de transition. Lui doit pour de bon oublier tout ce qui l’a blessé, et repartir du bon pied. Pour ce faire, il emprunte la voie inverse du personnage d’In retreat : il part se confronter, à travers les Etats-Unis, à ses anciens soucis. C’est un peu ce qu’est forcé de faire aussi le personnage central de Most people die on Sundays. Ce long-métrage-ci est signé par l’acteur et réalisateur Iair Said. Un artiste qu’on a pu apercevoir quelques petites fois sur les écrans des salles de cinéma françaises. Ici, il joue un trentenaire homosexuel ultra anxieux qui doit faire le point, alors qu’il se trouve en Argentine, son pays natal, pour l’enterrement de son oncle. On espère, dans ce film-ci, trouver une nouvelle liberté de ton et de style, comme il y en a tant d’autres au sein du cinéma argentin récent, parfois fragilisé.
Les trois derniers élus ont des signataires qui ont déjà une petite réputation. C’est Marcia Romano, scénariste très prolifique – oeuvrant avec Emmanuel Bourdieu, ou Xavier Giannoli – qui co-réalise Fotogenico, avec Benoît Sabatier. Encore une fois, ce long-métrage-ci observe un homme adulte pas très mature obligé de se confronter à l’ancien groupe dont il faisait partie, alors qu’il retourne à Marseille pour chercher sa fille disparue. Un film au climat a priori solaire mais aux thèmes un peu graves, avec comme acteur central le génial Christophe Paou, monstre de charisme inoubliable chez Alain Guiraudie ou Jean-Christophe Meurisse. La documentariste française Hélène Milano, elle, s’est faite remarquée plusieurs fois au sein des salles de cinéma françaises, en 2012 ou 2019 notamment. Elle revient cette fois avec Château Rouge, qui observe des adolescents, collégiens fréquentant un lycée dans le quartier de la Goutte d’or à Paris. Ainsi que les adultes qui les encadrent et essayent de les guider. Ce n’est qu’un au revoir, enfin, est le nouveau film, assez court, de Guillaume Brac, le réalisateur de Tonnerre. Dans une forme documentaire, cette fois, il suit un groupe d’amis lycéens, qui savent leur séparation prochaine. Cette sélection appelle au final ainsi à méditer sur le temps, par exemple. Tant mieux : elle pourra donner lieu à pas mal de débats, lors de sa tournée dans les cinémas de France. Les programmations de l’Acid restant diffusées avec acharnement, et menées, année après année, à la rencontre des spectateurs curieux. On remercie à ce titre toute l’équipe œuvrant au sein de l’association, à retrouver à Cannes du 15 au 24 mai prochains.
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Visuel : affiche pour le programme de l’Acid à voir pendant Cannes 2024 © Lemon Fee – Acid