Présenté à la Quinzaine des Cinéastes, « Sorry, baby », le premier long-métrage d’Eva Victor, dresse le portrait d’Agnès, une jeune professeure à l’université dont le parcours est entravé par le souvenir d’une agression sexuelle. Plus qu’un récit personnel, ce long-métrage résonne avec les sensibilités de chacun.e, et s’impose comme une ode sincère à l’amitié.
« It’s a lot right ? Still being here » « It’s a lot being everywhere ».
Agnès, incarnée par la réalisatrice iel-même, tente de se reconstruire. Eva Victor ne réduit pas la construction du personnage à l’unique statut de victime, mais s’attache plutôt à montrer la personnalité d’Agnès, profondément humaine, dont l’histoire ne commence ni ne se termine avec l’agression. Un choix qui fait émerger la vérité d’un vécu, dans toute sa subtilité et son intimité.
Quoi de plus difficile que de voir la vie de ses proches évoluer, tandis que l’on reste prisonnier d’un évènement du passé ? C’est le cas de la meilleure amie d’Agnès, Lydie, qui lui annonce sa grossesse dès les premières scènes. Le contraste, qui n’entache en rien leur lien, incarne alors le décalage entre les temporalités d’une reconstruction personnelle et celle des autres.
La grande réussite du film tient sans doute à sa manière d’évoquer l’amitié. Car si le film parle de reconstruction c’est aussi en plaçant l’amitié au cœur du récit. Les dialogues, à la fois subtils et justes, restituent la complicité rare entre deux personnes qui se comprennent sans avoir besoin de tout dire. Une amitié qui ne juge jamais, qui pousse à continuer de vivre et à essayer de s’en sortir. Et c’est dans cette reconstruction qu’elle vient se blottir, comme la plus importante des relations sociales. Cette représentation simple et sincère de l’amitié laisse place à l’identification de chacun.e, portant le récit de l’individuel à l’universel.
La mise en scène, minimaliste, prolonge l’état mental d’Agnès tout au long du long-métrage. Les plans fixes, miroitant les contrastes entre l’amitié et le traumatisme, oscillent entre apaisement et angoisse latente. En un rien de temps, les arbres et le bois de la maison se mettent à grincer, dans le noir et le silence complet de la nuit. Des paysages qui marquent la solitude profonde d’Agnès et la mélancolie d’un endroit à la fois effrayant et chaleureux.
Même s’il n’est jamais nommé frontalement, le traumatisme imprègne le film. L’ironie donne au long-métrage un relief intéressant, preuve qu’il aide parfois aussi à surmonter des traumatismes et à dédramatiser le réel. C’est notamment ce que l’on retient de l’humour pince-sans-rire d’Agnès. Toutefois, certains personnages secondaires caricaturés fragilisent la cohérence de la narration. Même l’amitié, pourtant centrale, vacille parfois dans une certaine artificialité.
Mais par la clarté de sa mise en scène, la justesse de ses dialogues et la délicatesse de son approche, Eva Victor signe un premier film touchant, qui parvient à parler de violence sans jamais brusquer. « Sorry, Baby » touche, questionne et incarne ainsi une première œuvre prometteuse.
Visuel : ©Mia Cioffy Henry / Pastel Productions
Sortie au cinéma le 23 juillet 2025.