« Entre les lignes » : vestiges de l’amour, par Eva Husson

Une réalisatrice caméléon

Maîtresse dans l’art de varier les genres, la havraise Eva Husson s’est fait connaître en frappant un grand coup sur les mœurs des adolescents avec Bang Gang, puis elle s’est retrouvée en sélection à Cannes avec des femmes soldates, Les Filles du soleil. Caméléon, elle change de style dans Entre les lignes, pour adapter un roman de Graham Swift. On a 24 heures, comme dans Mrs Dalloway, un jour de fête des mères où le personnel a congé. Le personnage principal est féminin, comme chez Virginia Woolf et.. Eva Husson. Et la vieille Angleterre se meurt d’avoir perdu ses enfants au front de la Première Guerre mondiale. Mais les peines de cœur et de filiation des unes et des autres ne sont pas terminées…

Le plus british des films français

Magistrale dans sa manière de se glisser au cœur de ce qui a séduit les fanatiques de Downton Abbaye et des Vestiges du jour dans la campagne anglaise, Eva Husson fait rayonner la sensuelle Odessa Young en servante, dans un film où les classes et la classe sont un paravent à un désespoir profond. L’immersion dans la culture et la lumière de la perfide Albion est tellement réussie qu’on se demande de temps en temps s’il n’y a pas de deuxième couche dans ce pastiche parfait. C’est sensuel sans être sexuel (parfois jusqu’à la caricature). Heureusement, c’est aussi cruel parfois.

Malheureusement, l’art du flash back et la capacité à surprendre peinent un peu dans cette grande machine si bien huilée à l’Earl Grey. Chaque plan devient un peu prévisible et l’on se détache peu à peu de l’intrigue en attendant que cela passe. De belle images bien copiées dans la lumière finissante de la campagne anglaise ne suffisent pas à nous ligoter aux vestiges d’un amour trop mis en scène.