À l’occasion du Arras film festival, Cécile de France et Élise Otzenberger ont évoqué avec nous le film Par amour, projeté dans le cadre d’un focus sur la carrière de Cécile de France, invitée d’honneur du festival.
Élise Otzenberger (EO) : De manière très classique, j’ai terminé l’écriture de mon scénario. Cécile était vraiment l’actrice à laquelle je rêvais pour le personnage de Sarah. Je lui ai fait parvenir le scénario et elle l’a lu très vite, ce qui n’est pas très classique [rires], et après, tout s’est déroulé de manière assez fluide. À partir du moment où elle a dit « oui », Cécile a été à mes côtés de manière vraiment entière et déterminée, malgré les moments pas évidents de financement.
Cécile de France (CF) : Oh, beaucoup de choses. Tout simplement, j’ai aimé le scénario comme on aime un bon roman. Tout de suite après, j’ai appelé mon agent, j’ai rencontré Élise. Là, j’ai beaucoup aimé ce que je découvrais, parce qu’elle me conviait dans son monde, dans son univers, dans sa vie.
Et j’ai immédiatement vu déjà une maman, une actrice, une réalisatrice, une artiste épanouie parce que connectée à sa part d’enfance, parce que je voyais qu’elle était complètement obsédée par Steven Spielberg, parce que sur la chaise sur laquelle je buvais ma tasse de thé, il y avait un énorme E.T. qui trônait derrière moi. J’ai adoré ce que j’y voyais. J’ai adoré ce que, moi, je voyais comme message dans le film, même si ce n’est pas un film à message. J’aime le message subliminal, qui donne envie de retrouver la foi en l’amour, qui donne envie de rêver, d’espérer, de se poser des questions aussi. C’est un film qui interroge beaucoup, sur est-ce qu’on peut échapper au cartésianisme de la société ? Pourquoi on doit renoncer à notre part d’enfance ? Pourquoi on nous y oblige ? Enfin, c’est vraiment un film qui vous bouscule un petit peu, je trouve, et ça, j’aime bien.
Et puis, c’est une vraie trajectoire de personnage à interpréter avec cette maman qui a perdu son droit à l’insouciance et, petit à petit, va retrouver sa liberté. Est-ce qu’elle est folle en croyant cet enfant [le personnage interprété par Cécile de France est une mère dont le fils dit communiquer avec des extraterrestres] ? Elle nous interroge aussi, parce qu’on se reconnaît en elle, on se retrouve en elle. Aussi parce que le film démarre comme un film assez réaliste et intimiste, avec la famille, avec ce qu’elle a de merveilleux et de difficile à la fois, et bascule dans le fantastique. Et son traitement du fantastique du quotidien, de notre capacité à nous émerveiller, qui peut apparaître juste en regardant un ciel, en voyant les étoiles filantes, ça, ça me parlait.
EO : C’était un exercice amusant au scénario de déstabiliser le spectateur. Est-ce que ce petit garçon ne va pas bien ? Est-ce que c’est cette mère qui ne va pas bien ? J’aimais bien cette idée et que la fin du film reste ouverte d’une certaine manière. C’était une volonté que chacun puisse s’emparer de cette histoire, de la manière la plus intime et la plus personnelle possible.
EO : Alors, franchement, c’est vraiment très naïvement. Moi, quand j’ai commencé à écrire, je voulais parler des enfants, je voulais parler des extraterrestres et je voulais parler de l’eau, parce que j’ai une obsession très sincère. Je fais de la plongée sous-marine, j’ai été bercée par les films du Commandant Cousteau. C’est quelque chose d’important dans mon imaginaire. Et puis, parce que c’est vrai que ça reste un endroit très mystérieux, comme l’espace.
CF : En fait, c’est parce qu’elle renoue avec sa part d’enfance et qu’elle retrouve la petite fille qu’elle était. Et c’est le moment où elle est la plus belle, c’est le moment où elle rayonne le plus, c’est le moment où elle a reconnecté avec ses enfants et avec sa propre part d’enfance à elle. Après, ça bascule dans autre chose, parce qu’elle va prendre des risques de nouveau. Elle redevient l’autre côté de ce que lui représente, c’est-à-dire le côté responsable, analytique, pragmatique, raisonnable, alors que, elle, elle est du côté du rêve, aussi dans ce que ça peut avoir de déraisonnable. Je trouvais ça intéressant dans la trajectoire de mon personnage, de passer par cette phase-là. Il y a un peu de risque, un peu de danger, ça amène du souffle.
EO : Je ne voulais pas tomber dans une forme de caricature, parce qu’il fallait qu’on s’attache à ce personnage. Ce père n’est pas du tout un sale con, c’est vraiment quelqu’un de chouette, mais il est encombré par le modèle social tout aussi merveilleux, intelligent, séduisant que peut être ce personnage-là. Parce que c’est une famille chouette. Ils s’aiment. Le moment de crise dans lequel ils sont au début du film a quelque chose d’injuste : ils n’ont pas de raison d’être là. Mais, même des gens comme ça, qui s’aiment, ils se referment sur eux, ils ont peur, ils sont esseulés et ils se remettent dans des modèles un peu désespérants que la société nous impose aujourd’hui.
EO : Il y en a un qui gagne plus d’argent et il y en a une qui s’est arrêtée de manière cohérente parce qu’elle gagnait moins d’argent et que, quand on sort d’un congé maternité, c’est quand même souvent ce choix-là. En plus, il y a quelque chose de très hypocrite là-dedans, où on laisse entendre aux femmes que c’est un choix.
EO : Effectivement, l’agenda du film a fait qu’on est rentré en financement juste après la COVID. Donc ce n’était quand même pas la meilleure période pour lancer un projet. Heureusement, les choses se sont arrangées après. Et aussi parce que je crois que le mélange des genres pouvait déstabiliser un peu ces temps difficiles sur le plan financier, avec des lectures très marketées. Je pense aussi que, finalement, même s’il y a de grandes héroïnes de cinéma, là, c’est une mère et je pense qu’il y a des gens qui ne sont pas forcément sensibles à cela. Mais, bon, l’important, c’est d’avoir pu le faire.
CF : Alors moi, j’ai un film de Yann Gozlan qui va s’appeler Dalloway, un thriller psychologique, qui se passe dans un avenir très proche. C’est l’histoire d’une écrivaine qui a une relation inquiétante avec son assistant virtuel.
J’ai un film de Cédric Klapisch qui s’appelle La Venue de l’avenir. C’est un film qui mélange les époques, qui nous fait voyager dans le temps. C’est vraiment un film choral avec beaucoup de personnages qui mêle la naissance de l’impressionnisme et l’époque contemporaine.
J’ai un premier long métrage de Nicolas Keitel qui s’appelle Louise : c’est un drame absolu, c’est un film vraiment très dramatique sur une jeune femme (Diane Rouxel) qui a changé de vie et dont la mère et la sœur, interprétées par Salomé Dewaels et moi, pensent qu’elle est décédée alors qu’elle est toujours vivante et qu’elle revient les chercher. Le spectateur se trouve donc en position d’avantage par rapport aux personnages.
Un autre premier film de Sophie Beaulieu qui s’appelle La Poupée : c’est l’histoire de Rémi, interprété par Vincent Macaigne, un mec qui galère en amour, qui un beau matin se réveille et sa poupée sexuelle est devenue vivante. Donc, c’est une espèce d’allégorie sur le statut de la femme, mais de manière très légère et très drôle.
EO : Je suis au tout début de l’écriture d’un film qui, là aussi, aura une part de fantastique, un film d’époque, mais qui mélangera un peu aussi les genres. Il se passera à la fin des années 1970.
Propos recueillis lors du Arras film festival.
Visuel : ©Jovani Vasseur