Premier film de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, Banel et Adama est une histoire de passion amoureuse aux couleurs somptueuses et qui touche au mythe.
On entre dans le film par une légende racontée en langue peule : celle du pêcheur et des sirènes… loin de la mer, dans un village du cœur du Sénégal, Banel et Adama sont mariés et s’aiment. Ils ont respecté la tradition jusqu’à un certain point : Adama est le dernier fils qui reste à sa mère et a épousé sa belle-sœur,comme le veut la tradition, à la mort de son frère.
Mais Banel porte des T-Shirts de couleur et se promène les cheveux courts (et non les cheveux couverts) et Adama, après avoir fini son apprentissage, refuse de devenir le chef du village, alors que lui seul peut et doit le devenir. D’autant plus que des tourments terribles s’abattent sur le village. Pire, ils n’arrivent pas à se séparer quelques heures, ce qui rend bon nombre de tâches nécessaires complexes à réaliser. Et surtout, ils ne veulent plus vivre avec les familles d’Adama et déterrent patiemment des maisons ensablées au dehors du village pour s’y installer en toute indépendance…
Dans la lumière vive créée par le chef opérateur Amine Berrada, dans le bercement de la musique de Bachar Mar-Khalifé, et dans l’isolement d’un village-monde, c’est à une cosmogonie que le premier long métrage de Ramata-Toulaye Sy nous invite. Une histoire universelle à la Jason et Médée, une histoire de femme follement amoureuse à la Adèle H et Camille Claudel, une histoire de couple tragique à la Héloïse et Abélard … que le soleil de chaque plan transforme un tableau atemporel.
Les époux, incarnés par Khady Mane et Mamadou Diallo sont presque royaux tant ils sont jeunes et beaux. Et le personnage féminin est d’autant plus intéressant qu’elle clame son individualisme par ce désir et ce choix : la fusion avec son homme. Pas besoin d’enfant, pas besoin de famille, être éternellement deux est le chiffre juste pour se raconter. Formée à la Famis en scénario, révélée par son court-métrage Astel qui se passait déjà au Sénégal, Ramata-Toulaye Sy signe un premier film qui se vit comme une visite de pinacothèque ancienne. A suivre, notamment pour la Caméra d’or.
Banel et Adama, de Ramata Toulaye Sy, avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy, Moussa Sow, Ndiabel Diallo, Oumar Samba Dia, Amadou Ndiaye, 2023 France, Sénégal, Mali, 87 min. En compétition.
Visuels © Tandem Films
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