Arras film festival : des derniers jours de Kafka aux montagnes du Trentin

Year of the Widow : un difficile adieu

Un retour de la question du deuil en ce dimanche après When the Light Breaks, avec Year of the Widow, de la réalisatrice tchèque Veronika Liskova (autrice de Daniel’s World, 2015, et de The Visitors, 2022). Petra, une jeune quadragénaire, vient de perdre son mari brutalement. Le film la montre durant l’année qui suit cet événement inattendu, dans ses relations avec sa fille et ses propres parents, mais aussi les administrations médicale et médicale, qui mettent du temps à procéder au recouvrement de l’héritage et refusent de lui fournir le résultat de l’autopsie de son époux. L’année qui va suivre sera donc en partie consacrée à ce combat pour connaitre ce qui a pu déclencher le décès de cet homme apparemment vigoureux.

L’intérêt de ce film est toutefois de donner à voir le deuil dans ses différentes dimensions. Le poids des démarches administratives dans la société contemporaine, certes, mais aussi des proches qui, sous couvert de sollicitude ou de conseils, agissent toujours à contretemps. C’est peut-être cet aspect qui est présenté de la façon la plus juste et la plus aboutie. Le jeu de Pavla Beretova, qui incarne Petra, participe nettement de la réussite de ce film, avec son visage toujours au bord de l’explosion.

Kafka, le dernier été : dire adieu à l’amour

Un deuil à venir, cette fois, dans Kafka, le dernier été, film germano-autrichien de George Maas (D’Une vie à l’autre, 2013) et Judith Kaufmann (Berlin, été 1942). Il s’agit de celui de Kafka, dont la tuberculose se fait chaque jour plus aiguë. Sa rencontre avec Dora Diamant l’été qui précède sa mort apparaît alors comme un ultime amour, que l’écrivain, conscient de l’imminence de sa fin, est particulièrement pressé de vivre.

George Maas et Judith Kaufmann adaptent là un livre de Michael Kumpfmüller, La Splendeur de la vie. La gaieté est, paradoxalement, au cœur du projet artistique, qui s’efforce de montrer une facette volontiers méconnue de Kafka, son humour et sa joie. Certes, cellesux-ci s’estompent progressivement à mesure que la maladie l’affaiblit, mais l’auteur du Procès garde toujours foi en sa vocation d’écrivain. Le plaisir est alors grand de le voir donner naissance au personnage de Gregor Samsa et à ce qui deviendra La Lettre au père. Surtout, le beau personnage de Dora, vive et volontaire, donne au film sa dimension solaire.

Lettres siciliennes : un parrain et une « balance »

Un univers fort différent avec Lettres siciliennes, de Fabio Grassadonia (Salvo, 2013 et Sicilian Ghost Story, 2017), qui nous entraîne dans la Sicile mafieuse. Catello, qui sort tout juste de prison, se voit contraint de collaborer avec la police, qui souhaite coincer un parrain en cavale depuis de trop nombreuses années. Machisme, catholicisme, poids de la filiation : tous les ingrédients topiques du film de mafia sont condensés ici.

Vermiglio, un village entre deux mondes

L’Italie, toujours, mais avec un petit saut dans le temps pour le film Vermiglio ou la mariée des montagnes, de Maura Delpero (Maternal, 2019). La réalisatrice y raconte le quotidien d’un village du Trentin durant cette curieuse période de l’année 1944. Elle se concentre notamment sur la famille, fort nombreuse, de l’instituteur et nous découvre le poids du catholicisme et du regard social, mais aussi les secrets et les non-dits des un.es et des autres.

Les personnages sont filmés avec une grande sensibilité et évoluent avec simplicité dans ce monde paradoxal, qui semble autant figé dans les traditions que mouvant politiquement. Les paysages ne sont pas en reste : la qualité de la photographie met en valeur ces montagnes dont la neige scintille à la manière des bougies de Noël.