En cette rentrée littéraire 2023, Walid Hajar Rachedi signe aux éditions Emmanuelle Collas un roman choral qui nous ramène au début des années 2000, à travers les trajectoires de jeunes plein d’ambitions, aux sources de nos liens et fractures sociales.
C’est en contrepoint de son précédent opus, Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? (2022, Éditions Emmanuelle Collas, finaliste du Goncourt du Premier Roman), que Walid Hajar Rachedi propose de suivre au début des années 2000 les cinq personnages de son nouveau roman Nos destins sont liés. Alors que le Malek du précédent opus apparaît par intermittence, 3 de ces personnages ont grandi dans la même tour à Stains. Salem s’apprête à prendre un haut poste dans une grande boîte au nom de dentifrice . Moitié juive-polonaise et moitié antillaise, la brillante Lisa est passée de l’audit à un haut poste en ressources humaines dans la même boîte de la Défense. Le frère de cette dernière, Ronnie, refuse d’être une bête de concours républicains et préfère écrire et rapper. Élevée dans un milieu et une banlieue huppée où l’on voussoie ses parents, Céline se démerde mieux en flow qu’en amour. Son amoureux, Mathieu, écrivain à vif, adopté, en quête de ses origines est le dernier personnage complexe du roman.
Les deux personnages les plus ambitieux lâchent peu à peu leur BlackBerry, tandis que seul un des trois personnages idéalistes s’accroche réellement à ses rêves. Avec ses références (Norah Jones, MC Solaar et les interminables séries américaines du genre Dallas), Walid Hajar Rachedi jette un coup de projecteur sur des pratiques en voie de disparition, mais néanmoins précieuses pour comprendre où nous en sommes, 20 ans plus tard. Bien avant #metoo, Lisa essaie de raser ses jambes; bien avant que l’on parle d’inter-sectionnalité, elle lisse ses cheveux et cultive le caractère flou de ses origines métisses, bien avant les attentats de l’année 2015. C’est le temps où le surclassement en première pour des vols à n’en plus finir est signe de réussite ultime et celui où le grand boss fait des remarques plus que déplacées sur une équipe « Benetton » sans que personne ne hurle. Ce qui l’encourage à parler d’exterminer les sauvages qui brûlent des voitures dans les banlieues. Et à se moquer du stagiaire qui ne boit que de l’eau et le « mal du siècle » semble violent pour chacun des personnages…
A travers les regards des personnages – et aussi leurs sentiments car il y a du romantisme dans ces destins liés – le roman en dit long sur les faux semblants du libéralisme et de la méritocratie qui semblait alors encore possible. 420 pages qui ne se lâchent pas.
Walid Hajar Rachedi, Nos destins sont liés, éditions Emmanuelle Collas, 420 pages, 22 euros, sortie le 1ier septembre 2023.
Visuel © couverture du livre