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Festivals Internationaux Lycéens, les F.I.L.s de la culture de demain à Avignon

par Prune Fargetton
27.06.2024

Très impliquée dans les domaines artistiques, la cité scolaire Frédéric Mistral d’Avignon organise le premier Festival International Lycée des arts parallèlement à l’ouverture du célèbre festival dans la même ville. Plus de 200 élèves internationaux et français y seront rassemblés pour découvrir des créations et échanger leurs visions de l’art. Aujourd’hui, le proviseur Laurent Donnat revient sur le modèle de l’établissement qu’il dirige et les projets qu’il a développés depuis son entrée en fonction il y a un an, résolument ouverts, multiculturels et artistiques.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui lie votre cité scolaire au festival d’Avignon ?

 

Historiquement parlant, la coloration artistique et culturelle est forte, puisque cette cité date de 1804. De plus, l’offre éducative inclut des spécialités en théâtre, cinéma et danse. Nous avons un important partenariat avec le conservatoire pour une offre danse-études. La musique y a aussi sa place, mais sous un format plus allégé. Nous proposons également une section de création, culture et design. Tout cela est présent du collège aux classes préparatoires. Nous avons de belles réussites en khâgne-hypokhâgne avec la CinéFabrique en cinéma. En théâtre, cette année, l’un de nos élèves est programmé au festival d’Avignon.

 

Je suis arrivé l’an dernier, revenant du Brésil où je dirigeais un lycée français. J’arrive donc sur ce beau territoire avignonnais avec un passé artistique et culturel riche. Il n’y a pas beaucoup de hasards dans la vie, et le fait que j’arrive ici n’en est pas un non plus. C’est une belle synchronicité. J’ai trouvé un établissement dynamique sur le plan artistique et culturel, ce qui m’a donné envie de la renforcer encore davantage, en signant un partenariat avec le festival, et de la lier à une dimension internationale. Une autre caractéristique de cette cité scolaire est la diversité des langues enseignées : nous en avons onze, et bientôt douze avec le portugais qui nous rejoint. Nous proposons des cours allant du chinois en section internationale, au russe, arabe, provençal, latin, grec, espagnol, italien, allemand, anglais, avec des classes euro et des classes bilingues en arabe et en italien.

 

Et vous avez trouvé des moyens de lier ces aspects internationaux avec la dynamique artistique ?

 

Oui, je pense qu’on pouvait lier les deux. Par ailleurs, pour les spécialités, nous devons être signataires d’un partenariat avec une institution artistique et culturelle. À Avignon, il était évident que ce partenaire soit le festival. Avec l’arrivée de Thiago Rodrigues, les liens que l’on avait déjà avec eux ont été renforcés, surtout que nous pouvons dialoguer en portugais tous les deux. Le courant est passé, nous avons signé une convention. Avant, notre partenaire principal était La Chartreuse, une autre entité artistique d’Avignon. Pour la danse, par exemple, nous sommes jumelés avec Les Hivernales, un festival de danse contemporaine en janvier-février, moins médiatisé que le festival d’Avignon, mais très reconnu dans le monde. Nous avons aussi d’autres partenariats. Une particularité de notre cité est que nous avons un internat et que nous accueillons les CDJSFA, les centres de jeunesse du festival d’Avignon. Ces centres sont comme des colonies pour adultes et enfants qui viennent pour voir et échanger autour de spectacles. Nous organisons des opérations appelées « l’école du spectateur » où nous discutons avec les jeunes de leurs ressentis et de l’impact de l’art sur eux. Nous travaillons également avec des partenaires du Off, notamment avec le théâtre Le 11, situé au 11 boulevard Raspail. Ce théâtre est l’un des lieux où nos élèves travaillent, en plus de La FabricA, le lieu de création du festival d’Avignon.

 

Et le Festival International Lycéen des Arts, en quoi consiste-t-il exactement ?

 

Il se déroule sur une semaine et s’inscrit dans des conventions que nous avons signées avec des lycées français à l’étranger et des lycées étrangers. J’ai apporté cela de mon expérience dans le réseau des lycées français à l’étranger. Nous avons signé une première convention avec Ténérife, puis Bruxelles, Londres, Madrid, Buenos Aires et nous avons un partenariat ancien avec la Tchéquie. Nous recevons des jeunes Tchèques tout au long de l’année dans le cadre d’un programme appelé « Un an en France ». J‘ai été invité là-bas cette année au congrès mondial des critiques d’art par l’Association internationale des critiques d’art (IATC). J’y ai rencontré des critiques d’art du monde entier et expliqué notre démarche. Nous avons deux messages forts : oser les arts et la culture en général, et oser la pratique linguistique. Dans ces deux domaines, les gens se mettent souvent des freins parce qu’ils ne se sentent pas autorisés ou compétents. Nous voulons montrer que chacun peut s’exprimer à sa manière selon son chemin de vie. Pour les langues, c’est similaire : beaucoup ne se sentent pas assez bons pour s’exprimer dans une autre langue, mais comme un sportif qui reste sur le banc des remplaçants, ils ne progresseront pas sans essayer. On a donc croisé les deux et on veut, grâce à cette opération, que des jeunes se rencontrent, et incarner quelque chose auquel nous croyons beaucoup : la démarche de citoyen du monde.

 

Et donc, pendant la semaine, il y a des élèves français de votre lycée et des élèves internationaux. Que font-ils chaque jour ? Est-ce qu’ils participent tous aux critiques et au festival ou y a-t-il une séparation entre les deux ?

 

Ils se croisent et ont des moments communs ainsi que des moments complémentaires. Cette année, nous avons commencé avec le théâtre. Tous les élèves vont voir des spectacles du IN et un peu du OFF. Ils bénéficient également de médiations culturelles avec des médiateurs du festival d’Avignon. Certains feront des visites culturelles à Marseille et dans les alentours. Ensuite, ils publient leurs travaux dans différents médias, que ce soit papier, numérique ou en podcast. Les médias partenaires, dont vous faites partie, peuvent nous couvrir et publier leurs critiques. Les colonnes du festival international des critiques d’Art accueilleront notamment certains de ces textes en décembre. Nous voudrions que cela se poursuive l’an prochain, que les équipes s’emparent du projet pour l’élargir s’ils le souhaitent aux arts visuels, au cinéma, à la photographie, à la danse… 

 

Comment choisissez-vous les élèves qui participent ?

 

Pour cette année, ce sont des élèves de seconde qui ont choisi la spécialité théâtre pour le bac. Le programme s’appelle FIL, acronyme de Festivals Internationaux Lycéens, avec un jeu de mots autour du « fil » pour symboliser la création de liens entre les personnes, les thèmes et les villes de festivals. La Martinique est également avec nous, parce que nos élèves vont en novembre à un festival chez eux. J’aime bien l’image de tentacules de poulpe qui vont un peu partout, qui attrapent ce qu’elles peuvent attraper. En Tchéquie, je suis justement allé voir un festival international lycéen. À Avignon, il y aura deux élèves tchèques, des journalistes en herbe, qui seront avec nous. 

 

Au total, le programme accueille deux cent jeunes et tous écrivent. Nous avons des points de rencontre, comme la soirée de lancement le dimanche à 17 heures, qui est d’ailleurs ouverte au public [NDLR : le lien pour s’inscrire est en pied d’article]. Notre site de la cité scolaire, qui couvre 33 000 mètres carrés intra muros, voit jouer environ 14 spectacles quotidiennement, du in et du off. Le gymnase Mistral, un lieu historique du festival, est en train d’être transformé en théâtre et le festival nous prête cette scène pour la soirée de lancement. Nous avons une scène du festival, avec les techniciens, c’est génial ! À 17h, il y aura le discours officiel, puis les délégations, comme aux Jeux Olympiques, se présenteront. Nous aurons une performance d’un artiste de cabaret, trompettiste, guitariste, qui va chanter dans plusieurs langues, puis un dîner et une scène ouverte où les élèves pourront montrer ce qu’ils veulent. Pendant la semaine, le binôme France-Martinique travaillera avec un artiste. Ils présenteront l’avancement de leurs travaux à la Maison Jean Vilar. Cela se passera le 3. Et le 4 juillet, les jeunes de Ténérife montreront leur création.

 

Quels spectacles vont-ils voir ?

 

Ils vont voir divers spectacles, mais pour en citer un qui rassemblera beaucoup d’entre eux, il y a notamment Hécube, pas Hécube, que nous irons tous voir à Boulbon. Cela donnera lieu à des regards croisés et à des discussions sur leurs expériences artistiques et personnelles. 

 

Nous voulons entendre leurs impressions sur le multiculturalisme et l’interculturalisme. L’idée est de montrer que plusieurs vérités peuvent coexister, même si elles sont différentes. Nous mettons tous les ingrédients dans la marmite et verrons ce qu’il en sort. 

 

Peut-être un petit mot de la fin sur l’importance de croiser l’international et le « local », bien qu’Avignon soit aujourd’hui un événement national ?

 

Deux choses me viennent spontanément à l’esprit. Le premier slogan, c’est « rendre possible l’impossible ». Souvent, on se met des freins, mais je suis personnellement convaincu qu’il n’y a pas grand-chose d’impossible. On veut leur faire vivre cette transformation de l’impossible au possible, et ce que nous faisons à la cité scolaire est une incarnation de cette métamorphose : beaucoup nous ont dit que nous n’y arriverions pas, mais nous l’avons fait. La deuxième chose est de révéler des potentiels. Je pense que tout le monde a une pelote intérieure qui ne demande qu’à être déroulée. Il faut juste tirer le bon fil pour inviter quelqu’un à faire un pas qu’il n’ose pas faire. Nous avons tous un potentiel artistique ou linguistique, cela peut se généraliser à beaucoup de choses, et notre rôle est de le révéler. Cela résonne particulièrement avec mon expérience de vie en Amérique du Sud, j’ai sauté au Brésil, appris une langue que je ne connaissais pas, et rencontré des gens incroyables. Cela m’a fait réfléchir sur la possibilité d’être heureux tous les matins en faisant des choix qui nous conviennent.

Le 30 juin 2024 de 17h à 19h à la cité scolaire Frédéric Mistral, assistez à la soirée de lancement du Festival international lycéen des arts, en partenariat avec le festival d’Avignon.

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