Alors qu’en 2024, en France, 139 femmes ont été tuées en raison de leur genre, et que cette année déjà 20 féminicides ont été perpétrés, que chaque année en France 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol, l’inquiétude est particulièrement grande de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis où, depuis sa prise de pouvoir, Donald Trump interdit certains mots des projets de recherche, les mots qui disent la misogynie et le patriarcat.
Chez Cult, fondé rappelons-le par deux femmes et un homme, nous évoluons dans un milieu où l’on se pose au moins la question des représentations. Par exemple, lorsque l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications du spectacle vivant publie son enquête annuelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’emploi dans le spectacle vivant en janvier 2025, il conclut qu’on n’est pas très loin de la parité. Mais on ne peut pas ignorer que, si, chaque année un peu plus, des voix de femmes parviennent à s’élever, les plafonds de verre résistent et les silences persistent longtemps. Nous, Amélie et Yaël, sommes régulièrement ramenées à la question de ce qu’on aurait appelé au XXe siècle notre « sexe ». Des réflexions sur une tenue, une allure, des paroles coupées, des arguments d’autorité … masculine ! Quand nous nous retournons, nombreuses sont les petites batailles et les grands détours pour exister, même si nous nous sentons très privilégiées de voter et d’écrire librement.
Dans la culture, les femmes sont de plus sur le devant de la scène. Parmi les plus beaux spectacles de la saison, beaucoup sont mis en scène par des metteuses en scène. Julie Duclos avec son adaptation clinique de Grand-Peur et misère du IIIe Reich, Lorraine de Sagazan et son puissant Léviathan, Aurélie Van Den Daele et sa déambulation féministe, littéraire et performative, Je crée et je vous dis pourquoi…
Elles posent d’ailleurs souvent la question de l’invisibilisation de la parole des femmes. Elles s’ancrent aussi régulièrement dans une tradition : ainsi Marie Fortuit et Lucie Sansen qui rendent hommage à Anne Sylvestre dans La Vie en vrai à l’Athénée et nous font redécouvrir sa chanson phare et terrible « Ma maison », ou bien Céline Sallette qui met en scène « sa » Niki de Saint Phalle.
Nous vivons une époque où nous réécrivons notre histoire en allant chercher les propositions de ces femmes artistes qui ont été oubliées : la cinéaste Sarah Maldoror a enfin son portrait au cinéma L’Écran à Saint-Denis, alors que cette pionnière vivait non loin de là.
On entend un florilège de compositrices grâce Elles Women Composers, on redécouvre Nadia Léger ou Tarsila do Amaral grâce à de grandes expositions. Et combien de photographes étaient passées sous nos radars auparavant ? Nous pensons à Céline Laguarde, Helen Levitt, Vivian Maier, Lee Miller, Nan Goldin, Mary Ellen Mark, Carrie Mae Weems…
Et puis il y a des autrices, que l’on suit, pour certaines, depuis longtemps et qui se délectent de mettre l’intime au centre, non sans jouer avec les codes de l’autofiction et de jouer des tours avec leurs mots à tout leur entourage : par exemple Camille Laurens avec Fille, une réflexion sur la condition féminine, ouTa Promesseoù elle continue de se jouer de l’autofiction. Ce sont les injonctions que Lola Lafon met en cause dansIl n’a jamais été trop tardet Emma Becker réinvente le bovarysme avec Le Mal joli.
Au cinéma, elles peuvent même former un chœur, ces femmes, comme dans Smoke Sauna Sisterhoodd’Anna Hints. Ou encore, unies sur les marches de Cannes avec Judith Godrèche, elles peuvent défendre leurs droits, portées haut leurs prises de paroles.
Les chanteuses, elles, se font un prénom qui les rend universelles : Yoa qui bouscule la pop française avec ses textes bruts et poétiques ; Almée qui mêle douceur et engagement dans son univers électro-folk ; Zélie qui réinvente la chanson française avec une touche de mélancolie moderne ; et Solann qui apporte un peu de poésie aux Victoires de la musique.
Ce 8 mars, ne nous contentons donc pas de célébrer les avancées. Avec gratitude pour les pionnières et toutes celles qui nous ont précédées et accompagnées, par leurs créations et leurs engagements, nous voulons regarder lucidement la réalité en face et continuer la lutte.
Bon 8 mars et bon week-end
Amélie et Yaël
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