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Marjane Satrapi refuse la Légion d’honneur au nom de la liberté iranienne

par Angélina Zarader
14.01.2025

Marjane Satrapi, artiste franco-iranienne, décline la Légion d’honneur, dénonçant l’attitude de la France face à l’Iran. Un geste fort pour défendre les libertés fondamentales : « Quand vous avez un peuple qui se bat pour la démocratie, il faut le soutenir », affirme-t-elle. 

 

 

Marjane Satrapi : une artiste engagée

 

Marjane Satrapi, née en 1969 en Iran, est une artiste franco-iranienne reconnue pour son engagement politique et son talent de conteuse. D’abord illustratrice et autrice de bande dessinée, elle marque le monde littéraire avec Persepolis, récit autobiographique qui retrace son adolescence entre l’Iran post-révolution islamique et son exil en Europe. Ce succès international la mène vers le cinéma, où elle adapte ses propres œuvres, notamment Persepolis et Poulet aux prunes. Artiste pluridisciplinaire, elle s’impose comme une voix forte pour les droits humains et les libertés fondamentales, mettant en lumière les luttes du peuple iranien, notamment celles des femmes.

 

 

Mise en contexte 

 

La situation en Iran demeure particulièrement critique, marquée par une répression accrue des mouvements de contestation et une explosion du nombre d’exécutions. Depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022, arrêtée par la police des mœurs à Téhéran pour un voile jugé « mal porté » et décédée trois jours plus tard des suites de violences policières, des manifestations se poursuivent à travers le pays malgré la brutalité du régime. Son décès a cristallisé une colère profonde contre les atteintes aux libertés fondamentales et la répression systématique des femmes. 

 

Parallèlement, le gouvernement iranien a intensifié sa politique de la « diplomatie des otages », avec la détention arbitraire de ressortissants étrangers, dont trois français, provoquant un durcissement de la position diplomatique de Paris.

 

Jugeant la situation trop dangereuse, la France déconseille désormais à ses ressortissants de se rendre en Iran et peine à identifier des interlocuteurs fiables au sein du régime en raison de luttes de pouvoir internes qui rendent l’analyse du pays particulièrement complexe. Emmanuel Macron a récemment qualifié l’Iran de « principal défi stratégique et sécuritaire » au Moyen-Orient, notamment en raison de son influence régionale et de son programme nucléaire, dont la dimension militaire ne fait plus aucun doute. 

 

 

Un refus chargé de principes

 

Face à cette escalade répressive, Marjane Satrapi s’engage activement pour dénoncer les violations des droits humains, notamment à travers une pétition intitulée « Déclaration des familles de victimes et des militants des droits humains sur la condamnation à mort de Varishe Moradi, Pakhshan Azizi et la vague d’exécutions en Iran ». Ce texte, signé par des familles de victimes et des activistes, appelle à une mobilisation internationale pour mettre fin à la spirale des exécutions et exercer une pression diplomatique sur le régime.

Ce lundi 13 janvier, Marjane Satrapi a annoncé son refus de la Légion d’honneur dans une lettre adressée à Rachida Dati, ministre de la Culture, et publiée sur Instagram. L’artiste dénonce « une attitude hypocrite de la France vis-à-vis de l’Iran ». En effet, Marjane Satrapi dénonce que des « enfants oligarques iraniens » se « « baladent à Paris comme à Saint-Tropez » alors même que des « jeunes Iraniens épris de liberté, des dissidents, des artistes, se voient refuser des visas ».

« Soutenir la révolution des femmes en Iran ne peut pas se résumer à des photos ou des discours », insiste Marjane Satrapi, appelant à des actions concrètes face à la répression qui frappe son pays d’origine. Selon elle, la France devrait soutenir le peuple iranien qui se bat pour la démocratie : « Quand vous avez un peuple qui se bat pour la démocratie, il faut le soutenir ». 

Ce refus, précise-t-elle, « n’est en aucun cas une pensée contre la France », mais une manière d’exprimer son attachement à sa patrie de naissance et son souhait que la France reste fidèle à ses idéaux.

 

 

Un geste solidaire et féministe

 

Marjane Satrapi n’en est pas à son premier combat. Sous sa direction, l’ouvrage graphique Femme Vie Liberté a rassemblé dessinateurs et experts pour soutenir la révolution féministe née au Kurdistan et amplifiée par le mouvement iranien après la mort tragique de Mahsa Amini en 2022. Ce roman graphique, hommage aux femmes iraniennes et aux victimes de la répression, rappelle l’importance des luttes féminines dans l’histoire iranienne. 

À travers des dessins bouleversants, tels que celui d’une femme brûlant son voile dans un feu purificateur, et des récits marquants, Femme Vie Liberté incarne l’espoir d’un Iran libre. Pour Marjane Satrapi, cette lutte féministe, soutenue par les hommes, est une première mondiale. Elle affirme que, malgré les embûches, l’avenir de l’Iran reste porteur de liberté.

 

 

Une voix artistique qui interpelle

 

Le geste de Marjane Satrapi est un rappel puissant que l’art et les convictions peuvent s’entrelacer pour devenir des armes de résistance. En refusant une distinction prestigieuse, elle met en lumière les injustices qui persistent en Iran et rappelle la responsabilité des pays démocratiques. À travers ses mots, ses œuvres et ses actes, Satrapi demeure une figure incontournable du combat pour les droits et les libertés fondamentales.

Visuel : © Wikipédia