Alors que deux procès pour agressions sexuelles, sexistes et féminicides ont ouvert hier (procès contre Depardieu et Mounir Boutaa), des rassemblements devant les tribunaux s’organisent dans la rage et la force du collectif. La colère, le soutien et la résistance y sont exprimés, chantés et dansés sur le parvis du Tribunal de Grande Instance.
Porter plainte aboutit rarement et est un cheminement éreintant. Entre les classements sans suite et la longueur des procédures, la justice devient une épreuve en soi pour les victimes. Clara Achour (@surviv_hante sur Instagram) en est une témoite directe. Soutenue par @notreohrage, elle dénonce la victimisation secondaire – ces violences supplémentaires infligées par un système censé protéger. Sur les réseaux sociaux, elles donnent des visages et des voix à ces combats. De plus, elles vulgarisent les rouages judiciaires et exposent comment le parcours des victimes se transforme en un chemin de croix : humiliations, harcèlement institutionnel, gaslighting. Dans un post Instagram, il est montré que ces violences secondaires sont structurelles, notamment en prenant l’exemple de Gisèle Pélicot. Face à cette injustice systémique, Clara Achour, ainsi que huit autres plaignantes, ont porté plainte contre « la France auprès de la cour européenne des droits de l’homme ».
Les cas se multiplient. Récemment, les plaintes contre Lomepal ont été classées sans-suite, tandis que la compagne de Nekfeu a été condamnée à deux mois de prison avec sursis. Des figures et des voies publiques comme Adèle Haenel, Judith Godrèche ou Aïssa Maïga prennent la parole, illustrant un besoin pressant de se faire entendre, au-delà d’un système judiciaire vacillant. Les réseaux sociaux deviennent des espaces de résistance, permettant de dénoncer, de sensibiliser et de créer un soutien collectif. Les rassemblements, eux, sont des moments où la parole se fait physique, incarnée, impossible à ignorer. Dans cette même dynamique, la quatrième édition du Pop Women Festival a mis en lumière l’importance de la sororité et du collectif pour réfléchir et penser ensemble tout en se ressourçant dans le collectif pour riposter.
La colère est une émotion souvent perçue fertile ou à éviter. Il faut rester calme, ne pas parler trop fort, ne pas s’indigner trop fort. Surtout que la colère, pour les minorités sociales, est décrédibilisée et pointée du doigt : les femmes sont hystériques, les personnes racisé.e.s sont agressives… Mais si la colère était en réalité un moteur ? Si elle pouvait finalement être une force et non pas une faiblesse ? Cette émotion que l’on a si souvent retirée de nos systèmes de pensée et de fonctionnement a en réalité toute sa place dans nos quotidiens et nos ressentis. Elle est à conjuguer afin d’y trouver des nuances et des pluriels. Loin d’être négative, elle peut se coupler à la joie ou à l’amour. Dans les milieux militants, la mobilisation de la colère est de plus en plus verbalisée : être enragé.es ensemble permet de se rendre plus puissant.es, mais aussi de sortir ce feu intérieur. Alors, dans un système qui cherche à nous individualiser, être en colère ensemble permet de lutter, de résister et de créer. La colère peut être féconde et être un feu de joie pour une riposte féministe et puissante.
Plus que jamais, les espaces de fêtes et de colère s’entremêlent pour créer et résister dans une atmosphère festive et collective.
Hier, à l’occasion de l’ouverture du Procès Depardieu, une manifestation a eu lieu sur le parvis du tribunal pour soutenir Amélie et Sarah : le bruit qui court a performé, de rouge et de noir, faisant parler le mouvement et les corps, parfois le cri, pour exprimer le besoin d’une justice qui bouge. Puissance, tripes et collectif sont à l’honneur. Cette fusion entre artistique et activisme est brandie dans les milieux militants :
De nombreux collectifs, associations et figures indépendantes se servent de leurs arts et de la joie pour résister. Puisque la lutte n’est pas prête de s’arrêter, transformer et réinventer les espaces de manifestations est apparu nécessaire. La joie, la fête et l’amour n’empêchent pas la colère de circuler, bien au contraire. L’énergie du mouvement et du rassemblement permet la révolte et le dynamisme dans une dimension collective et stimulante. Le bruit qui court se définit d’ailleurs comme un collectif d’artiviste, un sublime néologisme qui allie l’art et l’activisme.
Sur les réseaux, Blanche Sabbah et son compte @lanuitremueparis offre un espace de mobilisation et de révolte : par ses dessins, l’activiste aide à vulgariser et populariser de nombreux enjeux de société. De plus, sa veille militante en stories instagram permet un suivi proche et régulier, comme pour le procès Depardieu actuellement en cours. Notre Ohrage dont nous parlions plus tôt utilise notamment la musique et la voix : l’artiste Koclico porte un texte qui dénonce « une justice qui néglige, une justice qui méprise ». Les actions de cette campagne servent à la fois à visibiliser le combat de Clara Achour mais aussi à créer des étincelles en soi, pour se faire et se rendre justice, pour renverser la honte et la peur.
Pour de grandes fêtes, où crier et danser, La Magma et Planète Boum Boum se placent en spécialistes : une déambulation prévue le 26 mai est annoncée afin de « célébrer nos luttes ». Alors, avec toutes et tous ensemble, rejoignons-nous pour manifester et faire la fête de manière artistique et engagée afin de brandir nos colères et nos joies à l’unisson.
visuel : ©@remy.reports