Les Étés du Louvre, quand le patrimoine se met en scène

Faire vivre le Louvre autrement

Le Louvre fascine le monde entier pour ses œuvres inquantifiables, son architecture majestueuse et, bien sûr, le regard de Mona Lisa. Depuis quelques années, ses équipes insufflent une nouvelle énergie, repensant la manière dont le public vit l’art dans ce lieu historique.  

Entre nocturnes hebdomadaires, performances dansées comme « Forêt » de Keersmaeker et Flouret ou encore nocturnes thématiques telles que la Nuit des Fous, le musée fait dialoguer propositions artistiques et créations avec les collections qui dorment dans ses ailes. 

Ces événements, accessibles, voire gratuits pour les moins de vingt-six ans, rendent le Louvre plus vibrant, mais surtout plus vivant. Pendant plus d’un mois, le cœur de Paris devient ainsi une scène ouverte au sein de laquelle oublier l’agitation de la capitale afin de se laisser aller dans une bulle artistique hors du temps.

Un premier temps sous les étoiles

Pour clôturer le cycle de projection en collaboration avec MK2, c’est L’Agent secret de Kleber Mendonça Filho qui est projeté dans la cour Napoléon. Les centaines de transats blancs alignés, les foodtrucks et la fanfare brésilienne offrent le brouhaha d’un joyeux été. Quelques minutes avant le début de la projection, le réalisateur arrive, accompagné de l’acteur principal, Wagner Moura. Mais la surprise ne s’arrête pas là : Juliette Binoche surgit sur scène pour remettre un prix à Moura qu’il n’avait pu recevoir à Cannes quelques mois plus tôt.

Polar, absurde et thriller politique, L’Agent Secret se dévoile à l’assemblée silencieuse installée sous les étoiles. À travers le parcours de Marcelo, mystérieux voyageur qui s’arrête à Recife, dans un Brésil des années 70, le film explore la paranoïa et la mémoire d’un pays encore hanté par la dictature militaire. Cette fiction se fait ainsi miroir d’une démocratie en tension. Alors que la magie opère, le faisceau d’une lampe torche de gardien traverse discrètement les fenêtres, rappelant que derrière l’art du présent, reposent les siècles d’histoires et de culture, bien abrités par le Louvre. 

Quand la mode devient performance

Après le septième art, place à l’art vivant avec la Nuit de la Mode, en résonnance directe avec l’exposition visible jusqu’au 29 août, « Louvre Couture ». Ainsi, la cour Marly, baignée de lumière grâce à la verrière surplombante, se transforme en une scène idéale. Producteur et créateur new-yorkais, Roth propose une création scénique sur mesure, pensée depuis deux ans pour l’occasion. 

Le spectacle commence comme un défilé avec l’arrivée en contre-temps des danseur.euses, pour se poursuivre en une transfiguration hypnotisante. Jordan Roth se métamorphise de manière sculpturale. Après avoir revêtu la pièce exposée jusqu’alors, sa silhouette se métamorphose lentement. Les tissus se dévoilent, se déplient et se détachent au fur et à mesure du parcours artistique. Après s’être statufié lui-même œuvre d’art, le corps drapé du créateur prend son envol vers les hauteurs de la verrière, pour devenir… la Pyramide du Louvre elle-même. La performance « Radical Acts of Unrelenting Beauty » témoigne d’un voyage artistique hors du commun. 

Subjugué, le public explore un Louvre qui bat au rythme de la fête : défilé souterrain, fragments musicaux de Clara Ysé ou ateliers artistiques au studio, la mode devient accessible et festive en ce 10 juillet. 

Le final est proposé par un Lucky Love transformé. Cet artiste à la voix rugueuse et saturée offre lui-aussi un moment artistique exceptionnel. Son allure de statue grecque est sublimée par un maquillage aux éclats métalliques et une silhouette d’un noir profond signé Givenchy. Sous la pointe de la pyramide, ce dernier fait face à un gospel auquel le public tourne le dos, ce choix au premier abord étrange dévoile une performance musicale où la musique enveloppe un public conquis.

Danser la transe, de jour

Afin de clore son cycle estival, Les Étés du Louvre collabore avec Paris l’été et s’installent dans un coin du Parc des Tuileries avec des spectacles vivants et des concerts en plein air. 

Rave Lucid de Mazelfreten transforme le parc en rave à ciel ouvert. Pendant près d’une heure, au plateau, 10 danseureuses libèrent une énergie viscérale, nourrie par la musique électronique originale de NikiT. En plein jour, le nom du spectacle fait plus que sens et emporte l’audience dans une soirée dissonante dans laquelle les corps s’épuisent et s’observent à leurs paroxysmes. Alors même que les mouvements de bras et de mains dans des inspirations voguing allongent les corps et offrent de la hauteur, l’ancrage des danseur.euses est immuable et impressionnant. 

Chaque individualité s’exprime, par les mouvements comme par le style, mais l’ensemble bouleverse, hypnotise : comme un aimant, le groupe fait corps puis s’éloigne, se retrouve et se disperse avant de se rassembler. Puis la cadence ralentit. La lenteur s’installe, avant d’imploser au rythme de la flamme collective.

Le public est reparti à chaque fois des étoiles plein les yeux face à ces moments suspendus, hors d’un temps et d’une époque précis. En offrant cette parenthèse estivale, le Louvre redynamise l’art, décloisonne les disciplines et réaffirme son rôle : celui d’un lieu vivant, en dialogue constant avec le présent, où patrimoine et création contemporaine se rencontrent et se répondent.