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Ils vont certainement vous entraîner au bout de la nuit, non pas ces démons rétro, mais l’ensemble des événements qui agitent notre pays ce 31 octobre.

Mais alors, pourquoi les morts sont-ils si vivants dans notre culture sécularisée au moment de la Toussaint, ou plutôt d’Halloween ? S’agit-il simplement d’un « import » des Amériques, où raisonnent-ils avec nos anciens à nous ? Il faut dire que, de manière moins colorée qu’au Mexique, et peut-être moins mercantile qu’aux États-Unis, nous aussi nous rendions hommage aux morts, chaque premier novembre, y compris les morts « historiques », en énumérant les martyrs de la commune ou la longue liste des noms de ceux tombés au front devant le monument présent dans chaque village.

 

 

Mais aujourd’hui, qui croit encore aux âmes damnés ? Qui les prend au sérieux ? Que nous commande la « raison » ? Et que diable vient faire la culture lorsque nous passons d’octobre à novembre ? Pourtant, les fantômes semblent s’inviter partout ! La danseuse hongroise Boglárka Börcsök, lors de sa performance Figurine Age, nous donnait peut-être une piste d’explication. Il existe, nous dit-elle, une théorie sur les fantômes, tirée des écrits de Nietzsche sur le deuil : les fantômes ne font pas de simples apparitions, iels reviennent. Et quand le deuil qui leur est lié est mal conduit, iels ne sont pas assimilé·es, pas intériorisé·es, mais incorporé·es, fait·es prisonnier·es de nous. Iels prennent possession de nous, de ce que l’on produit…

 

 

Aussi, par-delà le défilé VIP ultrapop, par-delà le phénomène « zombies » dont nous vous parlions il y a quelques semaines, par-delà toutes ces séries qui, ces dernières décennies  – des sœurs Halliwell dans Charmed à Lucifer en passant par toute la clique d’Harry Potter –, n’ont eu de cesse de rendre les diables et les sorcières toujours de plus en plus adorables et désirables… Nous continuons à rendre hommage aux morts et à nous projeter dans une continuité. Spécialement à ce moment de l’année où nous entrons dans le cœur de l’hiver –  il y a encore des saisons « ma bonne dame » ! – et où les mort.es et les disparu.es sont convoqué.es.

 

 

Quand 2025 s’apprête à commencer avec CHOSTS de la chorégraphe et danseuse Jeanne Alechinsky qui nous demande : « Comment nos corps habitent-ils courageusement ces états de métamorphoses ? » ou quand, en musique, la chanteuse Gærald Arev Kurdian, sous le nom Hot Boddies, pose une question similaire dans son dernier titre Deamons, peut-on supposer qu’il n’est pas anodin que le XXIe siècle commence à être entamé d’un bon quart ? Alors peut-être avons nous atteint en effet un « âge de raison », un âge où il est raisonnable et urgent de placer culturellement les « âmes mortes » au bon endroit.

 

 

Voilà peut-être pourquoi, spécialement en cet Halloween, les artistes mobilisent les scènes et les écrans pour y interroger des figures-clés de ce siècle que nous avons du mal à dépasser. Lorsqu’on retrouve dans les salles obscures le méchant iconique de Tim Burton, Beetlejuice, ou le spectre du chanteur Charles Aznavour qui a marqué le siècle passé par ses œuvres et sa longévité, ou lorsqu’on rejoue le match de la Factory côté face, avec la figure de Valerie Solanas, convoquée par le collectif FASP dans son Beretta 68. Et s’il s’agissait peut-être simplement de mettre à sa juste place ce XXe siècle qui est définitivement derrière nous mais qui nous hante, peut-être parce qu’on a voulu l’arrêter trop tôt en 1989 après l’avoir fait commencé bien tard en 1914 ? En tout cas, nous ne sommes pas à l’abri que, sur le dancefloor, dans la nuit de jeudi 31 octobre au vendredi 1er novembre, s’ouvre une brèche, et que déboulent toutes sortes d’âmes pour que nos déhanchés prennent la forme d’un bel adieu au XXe siècle.

 

 

Belle semaine à vous,
Amélie, Laura et Yaël