« Last Stop : Yuma County » de Francis Galluppi : Prends l’essence et tire-toi

par Camille Griner
03.08.2025

Auréolé du Prix du Public au Festival de Reims Polar en 2024, Last Stop : Yuma County, premier long métrage de Francis Galluppi, débarque enfin dans les salles obscures hexagonales.

Au milieu du désert brûlant d’Arizona, dans le Comté de Yuma, une station service se retrouve à sec de bon matin. Dans le diner attenant, les clients attendent dans une atmosphère étouffante l’arrivée du camion-citerne pour les ravitailler et pouvoir enfin reprendre la route. Mais lorsque deux braqueurs en cavale passent la porte du restaurant, l’ambiance se détériore radicalement. Pour son premier long métrage, Francis Galluppi livre un thriller noir bougrement efficace qui n’est pas sans rappeler le cinéma des frères Coen et de Tarantino.

Pourtant, à l’arrivée du générique final, il serait bien dommage de réduire Last Stop : Yuma County à un simple exercice de style dans la lignée des cinéastes précédemment cités, tant Francis Galluppi parvient à insuffler une certaine authenticité à son projet, en plus de nous scotcher un sourire sincère aux lèvres d’un bout à l’autre de son récit. Tandis que le cadre est posé dès les premières minutes du film, Last Stop : Yuma County joue rapidement sur l’attente, celle de l’arrivée du camion-citerne. Par ce biais, le réalisateur fait progressivement monter la pression et mue son quasi huis clos en un piège qui se referme lentement (mais sûrement) sur ses protagonistes.

No pain, no tarte à la rhubarbe

Par ses choix formels et narratifs, Francis Galluppi oscille constamment entre les genres du western et du film néo-noir, s’offrant de surcroît une reconstitution bluffante des seventies malgré un budget réduit. Exploitant habilement ce lieu unique bien réel de station-service/diner/motel, théâtre tendu de toute l’intrigue, le réalisateur use notamment de teintes chaudes et de plans fixes, de panoramiques, de zooms et dézooms pour faire grimper le suspense jusqu’à une séquence clef en slow motion, rythmée par le chouette Crying de Roy Orbison. Scène absolument jouissive qui fait basculer le film dans un carnage rapide et draconien, capturé à coups de balles à blanc sur le tournage. Il n’y a donc pas que la tarte à la rhubarbe qui peut s’avérer mortelle en ces lieux, n’en déplaise au panneau indicatif sur la devanture du diner.

Boosté par une panoplie de personnages détonants, Last Stop : Yuma County s’amuse des dilemmes moraux de ses protagonistes sans jamais titiller l’empathie du spectateur. Vendeur de couteaux japonais aux allures d’Anthony Perkins dans Psychose (1960) d’Hitchcock, serveuse franche du collier mariée au shérif, duo de truands antipodiques à la gâchette facile, jeune couple qui joue les Kit et Holly de La Balade Sauvage (1973) de Malick… Le réalisateur et ses acteurs ultra investis déjouent continuellement nos attentes grâce aux faits et gestes aussi délirants qu’inattendus de cette bande de héros bien bancale. Simple mais diablement bien huilé, Last Stop : Yuma County offre un fort délectable moment de cinéma comme il en est (trop) rare, et nous rend curieux quant à la suite de la carrière de son réalisateur.