Bertrand Blier, l’un des derniers grands maîtres du cinéma français, s’est éteint lundi 21 janvier 2025 à l’âge de 85 ans. Dialoguiste hors pair, réalisateur anticonformiste, il a laissé derrière lui une œuvre cinématographique marquée par l’audace, l’irrévérence et un style unique, qui a influencé plusieurs générations.
Né en 1939, Bertrand Blier s’est d’abord fait connaître grâce à son documentaire Hitler, connais pas (1963), avant de réaliser en 1967 son premier long-métrage, Si j’étais un espion, avec son père, Bernard Blier. Mais c’est en 1974 qu’il accède à la consécration avec Les Valseuses, une comédie satirique et crue qui révèle Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou. Ce film provocateur, interdit aux moins de 18 ans, s’impose comme un choc cinématographique et consacre le style Blier : dialogues percutants, personnages marginaux et critique acerbe des conventions sociales.
Sur le tournage de son film Les Valseuses, Betrand Blier rencontre Gérard Depardieu, avec qui il entretenait une relation ambivalente : même si c’est un « immense enfoiré », c’est aussi pour Blier un « génie ». Alors qu’il est mis en examen en 2020 pour viols, une soixantaine de personnalités du monde culturel dénoncent un « lynchage » de Gérard Depardieu et publient une tribune titrée « N’effacez pas Gérard Depardieu », signée entre autres par Betrand Blier.
Après un détour par le théâtre, il réalise son dernier film, Convoi exceptionnel (2019), réunissant Gérard Depardieu et Christian Clavier.
Après Les Valseuses, Blier enchaîne les succès avec des films comme Préparez vos mouchoirs (1978), qui reçoit l’Oscar du meilleur film étranger et Buffet froid (1979), une comédie noire qui explore l’absurde. Ses œuvres, souvent marquées par un humour grinçant, sont saluées par la critique et le public. Blier excelle dans l’art de mêler drame et comédie, et se forge une place unique dans le cinéma français.
Tout au long de sa carrière, Blier collabore avec des acteurs mythiques, comme Patrick Dewaere, Isabelle Huppert et Jean-Pierre Marielle. Malgré un certain désamour critique dans les années 1990-2000, Bertrand Blier reste fidèle à son univers singulier, enchaînant des œuvres audacieuses comme Le Bruit des glaçons (2010), avec Jean Dujardin et Albert Dupontel. Jusqu’à la fin, il n’a cessé d’interroger les marges, le désir et les contradictions humaines.
Mélomane averti, Blier était passionné de jazz et de musique classique. Cette dimension musicale imprégnait son cinéma, comme en témoigne son choix de la musique de Stéphane Grappelli pour Les Valseuses.
Son style cinématographique, inspiré par les maîtres du cinéma comme Luis Buñuel et Michel Audiard, a offert au public des films à la fois dérangeants et profondément humains. Loin des sentiers battus, son travail a aussi souvent été accueilli avec un certain scepticisme critique. Cependant, il est indéniable que l’œuvre de Blier fait partie intégrante du patrimoine cinématographique français, et que ses films continuent d’influencer les nouvelles générations de réalisateurs.
Aujourd’hui, l’industrie cinématographique française perd une de ses voix les plus distinctives. Bertrand Blier laisse un héritage inestimable, une œuvre qui fait rayonner son anticonformisme et son amour du cinéma. Il restera dans les mémoires comme l’un des cinéastes les plus audacieux, les plus provocateurs, mais aussi les plus talentueux de son époque.
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