À l’heure où la France sabre de plus en plus dans ses subventions culturelles, il y a vraiment de quoi être un peu vert : l’Irlande vient d’annoncer un nouveau revenu universel de base pour tous les artistes de l’île. Cette nouvelle et alléchante rémunération entrera en vigueur en septembre 2026.
À la base de tout cela, comme souvent, il y a une expérience. Celle d’un gouvernement irlandais qui, au sortir du covid, souhaitait redonner un peu de baume au cœur à son secteur culturel, au demeurant plus qu’en berne. Comme partout, l’on voyait le même spectacle triste : cinémas fermés, concerts annulés, expositions impossibles, spectacles suspendus, entre autres choses. Alors, face à cet effondrement total du secteur et des revenus générés par les artistes, un groupe de travail parlementaire a été mandaté par le gouvernement pour leur proposer une solution durable. Il fallait trouver une solution, et ce fut celle-ci : créer un revenu de base pour les artistes. Et pourquoi pas ?
Ce programme, nommé Basic Income for the Arts, a été officiellement lancé en 2022, et il a été, on peut le dire sans sourciller, un franc succès. 2000 artistes et travailleurs de l’art ont été sélectionnés au bonheur du hasard le plus total pour servir de cobayes à ce projet philanthrope. Chacune de ces personnes a reçu 325 euros par semaine, soit environ 1 300 euros par mois, sans condition, dans le but, évidemment, de financer sa pratique artistique. C’est vraiment pas Byzance, mais quand même, ça ne se refuse pas : le revenu est imposable, certes, mais cumulable avec d’autres revenus artistiques.
Oui, mais voilà, le problème, c’est qu’il devait s’arrêter en 2025, après 3 ans de bons et loyaux services. Mais tel n’a pas été le cas : d’abord prolonger jusqu’en février 2026, le programme deviendra permanent à partir de la fin d’année prochaine selon le budget 2026 du gouvernement irlandais. Tadam ! Contrairement à d’autres expérimentations du même genre, menées dans d’autres pays d’Europe comme en Finlande ou en Allemagne, celle-ci a été concluante et va donc entrer dans la politique culturelle du pays. L’Irlande, nous le savons, a toujours été une terre de grand talent, et continuera vraisemblablement de l’être dans le futur.
Selon le ministère de la Culture, l’expérience a été effectivement plus que concluante : «Le risque d’anxiété et de dépression a baissé de 11 % chez tous les bénéficiaires.» Et il ne s’agit pas que d’eux puisque : «Pour 1 euro d’argent public investi dans ce projet, la société a reçu 1,39 euro en retour.» Un cercle vertueux, et une aubaine donc, pour offrir de la stabilité à un secteur souvent précaire. Que demander de plus ?
En France, il est de notoriété publique que pareille mesure n’existe pas. Au contraire, pénalisés par des finances publiques malades et grevés par de peu riantes personnalités qui n’ont pas peur de plumer la culture, la situation semble être pire qu’elle ne l’a jamais été. Les exemples ne manquent pas, après la baisse de 150 millions d’euros de budget en 2025 et celle plus grande encore à venir en 2026. Tous les secteurs sont touchés : la culture fait souvent figure de marge d’ajustement pour des budgets de plus en plus serrés, et l’horizon s’obscurcit toujours un peu plus.
Alors, c’est maintenant avec un peu d’envie que l’on regarde du côté de la verte Erin. Le ministre irlandais de la Culture Patrick O’Donovan est fier de ce choix politique. Dans un communiqué officiel, il affirme que « ce programme est l’envie du monde entier. C’est une immense réussite pour l’Irlande et nous devons maintenant le rendre durable. » C’est qu’il nous narguerait presque en plus…
Visuel principal : Photo du Project Arts Centre de Dublin, un centre d’art multidisciplinaire placé au cœur de la capitale irlandaise. © Smirkybec