En effet, depuis le 15 janvier 2024, il faut payer 22€ pour entrer visiter les collections et expositions du « plus grand musée du monde », soit une augmentation de 29% par rapport au tarif qui était appliqué jusque-là et qui était de 17€.
Cette augmentation, la première depuis 2017, doit permettre au musée de faire face à l’inflation, à l’augmentation des coûts d’entretien et notamment de chauffage et de financer des projets de rénovation ainsi que l’ouverture d’un nouvel accès pour les visiteurs.
Si on décentre un peu son regard et qu’on s’intéresse à ce qui se passe à l’étranger, on se rend compte que le Louvre était jusqu’à présent moins cher que les musées de même dimension à l’étranger : le billet d’entrée au Kunsthistorisches Museum de Vienne est à 21€, les Offices à Florence coûtent 25€, le Metropolitan Museum of Art à New York quant à lui demande au visiteur adulte 30$. Au Royaume-Uni, les collections permanentes sont exceptionnelles et gratuites, mais on vous encourage à faire une donation sur place et chaque exposition vous coûtera au moins 22£.
La France, un des pays les plus visités au monde et notamment pour ses musées, fait donc encore figure d’exception en se refusant jusqu’à présent à pratiquer des tarifs équivalents à ces voisins.
Alors, pourquoi augmenter le billet d’entrée maintenant?
Les musées et monuments en Ile-de-France, menés en cela par le Louvre, ont pendant des années joué à la course à la fréquentation. Chaque nouvelle année amenait des nouveaux records de visiteurs et en 2019, le Louvre a accueilli 9,6 millions de visiteurs ; suivi par le Château de Versailles (8,2 millions de visiteurs). Le Musée d’Orsay quant à lui en accueillait presque 4 millions, pas loin derrière on retrouve le Centre Pompidou avec 3,2 millions de visiteurs. Le tout pendant une année marquée par les grèves et les manifestations hebdomadaires des mouvements des Gilets Jaunes.
Ces fréquentations record s’expliquent par des effets de sur-polarisation sur certains lieux, certaines œuvres, créés notamment par les réseaux sociaux. De nombreux touristes arrivent à Paris avec l’idée qu’il leur faudra absolument voir la Joconde, les impressionnistes et le château de Marie-Antoinette et cela a grandement bénéficié aux grands musées. Ces derniers se sont d’ailleurs pendant longtemps peu souciés de l’absence de visiteurs franciliens ou français ou encore des conditions de visite qui expliquaient cette absence : files d’attente interminables, comportements des visiteurs parfois inadaptés aux lieux qu’ils visitaient, selfies à tout-va et, effet secondaire, sur-saturation des infrastructures (faites un test, essayez d’acheter un billet de RER à la gare de Versailles Château un dimanche de printemps à 17h…).
Le Covid-19 a transformé du jour au lendemain ces pratiques, puisqu’il n’y avait désormais plus de touristes étrangers souhaitant se retrouver nez-à-nez avec la Joconde. Les musées et monuments ont découvert leurs salles presque vides et ont pu repenser en profondeur leurs politiques vis-à-vis de leurs publics. En parallèle, en 2020 et 2021, les Français ont redécouvert, ravis, « leurs » musées, le monde en moins, aidés en cela par des campagnes publicitaires s’adressant à ce public oublié pendant des années.
La coupure imposée par le Covid a poussé les présidents de musées et monuments à repenser leur approche du visitorat : vente de billets horodatés et plafonnement du nombre de visiteurs. Nous sommes rentrés dans l’ère du « moins mais mieux ». Moins de visiteurs mais une meilleure expérience de visite, plus ouverte et curieuse, moins rapide mais plus surprenante. Il faut pour cela saluer les nominations récentes de Laurence des Cars au Louvre, Laurent Le Bon au Centre Pompidou, Christophe Léribault à Orsay (et bientôt à Versailles…) qui œuvrent depuis plusieurs années à repenser les musées qu’ils dirigent.
Par ailleurs, les musées et monuments font face aux mêmes enjeux d’inflation que l’ensemble de l’économie. Les coûts d’entretien des bâtiments ont fortement augmenté et les enjeux de rénovation des sites, qu’ils soient anciens ou plus récents, deviennent des enjeux majeurs dans un contexte de mise en avant des bonnes pratiques en matière de politique environnementale.
C’est la jonction entre la fin de la course à la fréquentation et le besoin d’augmenter les ressources propres pour faire face à l’inflation qui a conduit à l’augmentation tarifaire des grands musées et monuments français.
Et moi, si je n’ai pas 22€ pour aller voir l’Esclave Mourant?
On ne le dit pas assez, mais la politique tarifaire des musées et monuments français est très généreuse : gratuité pour les chômeurs, pour les – de 26 ans, pour les enseignants, élèves d’écoles d’art, personnel du Ministère de la Culture et encore d’autres catégories peu connues du grand public. Selon les endroits, ce sont entre 20 et 50% des visiteurs qui ne payent pas leur billet d’entrée. Il existe par ailleurs des nocturnes, des événements spéciaux, ou encore des cartes d’abonnement qui rendent plus accessibles des lieux que le tarif plein ne le laisse penser.
Plus largement, plusieurs études ont démontré que la gratuité des musées est davantage un effet d’aubaine
qu’une incitation à s’y rendre et favorise des publics déjà habitués à la pratique culturelle. La politique envers des publics éloignés de la culture ne peut donc pas passer par une simple application de la grille tarifaire, mais doit être portée par de l’éducation à l’art et un accueil moins condescendant du public.
Par ailleurs, et ne l’oublions pas, quand un bien public est gratuit, c’est qu’il est financé par les impôts. À côté de cela, pour un voyageur venant d’Asie ou d’Amérique Latine par exemple, payer 5€ de plus l’entrée d’un musée est minime par rapport au coût de son voyage. Et il ou elle ne sait pas s’il reviendra. Donc, il paiera. Croyez-en l’autrice de ces lignes qui a accepté de payer très cher ses entrées au Taj Mahal, à Agra ou au Machu Picchu.