Cette saison, l’Orchestre national de Cannes nous fait voyager autour de la méditerranée dans sa série de concerts des Arlucs symphoniques. Au programme : Niccolò Paganini, Georges Bizet, Camille Saint-Saëns, Ottorino Respighi, Joaquim Rodrigo, Claudio Monteverdi, Antonio Sartorio, Nino Rota, Gaspar Cassadó, Manuel de Falla jusqu’au marseillais Régis Campo, et même, puisque l’orient et l’occident sont en perpétuel dialogue : Sergeï Prokofiev. L’artiste lyrique franco-algérienne Amel Brahim-Djelloul est l’invitée du premier concert de ce cycle. Benjamin Lévy dirigera ce concert largement inspiré du dernier album de la soprano, Des chemins qui montent, les 14 et 17 novembre à Cannes
Ce n’est pas un hasard si cette première production a lieu aux Arlucs, avec l’Orchestre de Cannes. Je connais Jean-Marie Blanchard, le directeur, depuis longtemps, lorsqu’il était à l’Opéra de Genève et j’ai chanté sous sa direction. Nous avons fait nos études au conservatoire en même temps et nous avons développé avec Benjamin Lévy une relation de confiance et complicité musicale. Cet album est un projet qui me touche énormément et Benjamin a une grande sensibilité pour des projets originaux qui sortent des sentiers battus. Ce concert confirme combien que nous partageons une certaine idée de la musique et comme c’est toujours une prise de risque d’oser un répertoire moins connu, je leur suis reconnaissante. Leur confiance est précieuse pour moi. Il est marquant que la première sur scène de l’album se fasse avec des gens qui considèrent ce projet avec toute l’importance qu’il a pour moi.
Chanter le répertoire kabyle est pour moi un phénomène assez naturel, lié à l’enfance. C’est quelque chose d’assez organique. Très vite, j’avais envie de chanter dans des langues moins utilisées : l’arabe, l’araémen, le kabyle… Ce sont des langues de la matrice. Et ces expressions existent dans ma carrière depuis le milieu des années 2000 et notamment le disque que j’avais dédié à des œuvres du patrimoine arabo-andalous (Amel chante la Méditerranée) adaptées par mon frère, le violoniste et musicologue Rachid Brahim-Djelloul et interprétées avec l’Ensemble Amedyez. Mon frère s’est consacré à la musique traditionnelle et ensemble nous avions inséré dans le disque trois ou quatre chansons kabyle. Puis après j’ai été mobilisée par d’autres projets, mais pendant la période du confinement j’ai eu le temps de me repencher sur ces répertoires et j’ai publié deux vidéos de reprise de chansons d’Idir qui ont rencontré un public important et qui m’ont permis d’ouvrir le projet de cet album. Même si je reste une chanteuse qui appartient au monde du classique au sens large, je ne veux plus de frontières entre les genres et je dois pouvoir aller explorer ce répertoire plus traditionnel de chants. Sur l’album on retrouve aussi Idir mais aussi Djamel Allam, Djurdjura ou Taos Amrouche et des créations originales de Thomas Keck sur des textes du poète Rezki Rabia.
Le travail est à la fois similaire et différent. Dans la musique traditionnelle, qui est plus « chambriste » nous avons moins besoin de projeter la voix, car la tessiture est généralement moins étendue. Ce répertoire est souvent moins écrit et le lyrisme du son se permet des variations. En revanche, dans le chant lyrique, la voix est traitée différemment. Les volumes sonores sont écrits pour fonctionner avec un orchestre et cela implique de projeter la voix au-dessus des instruments. Chanter du chant traditionnel avec un orchestre peut parfois dénaturer la musicalité originale, c’est pour cela qu’il faut parfois la sonoriser.
Le projet est vraiment parti de l’envie de donner à « Des chemins qui montent » une dimension orchestrale. Thomas Keck, qui avait réalisé les arrangements pour l’ensemble de chambre de l’album, avait les compétences nécessaires pour collaborer avec un orchestre, également dans ses propres compositions. J’ai demandé à Benjamin Lévy s’il était partant pour jouer des chansons kabyles et afin réinventer cela dans une dimension orchestrale. Il a proposé d’inclure deux ou trois pièces de compositeurs orientalistes du 19e siècle, avant de passer à la section consacrée à la musique kabyle, elle aussi présentée dans une forme orchestrale C’est une belle façon d’honorer ces traditions tout en les intégrant dans une création contemporaine
L’orientalisme du 19e siècle, tel qu’il est arrivé en France, n’est pas toujours connecté à la réalité de ce qu’était l’Orient. Il paraît souvent kitsch et insupportable et j’ai d’abord eu un jugement assez sévère. Aujourd’hui, je trouve cela plutôt amusant et je me délecte de cet aspect.
Il est intéressant de noter que certains de ces compositeurs n’ont jamais mis les pieds dans les régions qu’ils évoquent et confondent souvent le Maghreb et l’Orient. Cela rend sympathique la démarche de défendre ce répertoire. Il ne faut pas le prendre au premier degré comme un affront, mais plutôt le remettre dans son contexte, et comprendre comment cela peut représenter une voie de sortie pour des compositeurs qui sont souvent coincés dans leur style, en quête d’originalité.
Il est fascinant d’explorer la différence entre ce qu’ils ont rapporté et ce qui était réellement vécu de l’autre côté de la Méditerranée. C’est un terrain de réflexion sur comment restituer ces influences sans heurter les vérités culturelles. Si bien que je trouve un plaisir certain dans cette exploration.
Je suis impatiente de partager cette expérience avec le public. Ce concert sera un voyage poétique et musical entre Orient et Occident, et j’espère que chacun pourra ressentir cette richesse culturelle.
Tarif : 6 € à 25 €
À noter : L’Orchestre national de Cannes propose désormais un Abonnement dédié « ARLUCS SYMPHONIQUE », les jeudis ou dimanche au choix, avec 5 CONCERTS 80 € (au lieu de 125 €).
À noter : L’Orchestre national de Cannes propose désormais un Abonnement dédié « ARLUCS SYMPHONIQUE », les jeudis ou dimanche au choix, avec 5 CONCERTS 80 € (au lieu de 125 €).
jeu. 14 et dim. 17 novembre – Arlucs symphonique – Les chemins qui montent
jeu. 16 et dim. 19 janvier – Arlucs symphonique – De Mozart à Brahms
jeu. 27 février et dim. 2 mars – Arlucs symphonique – Jardins d’Aranjuez
jeu. 27 et dim. 30 mars – Arlucs symphonique – Du Tigre au Danube
jeu. 10 et dim. 13 avril – Arlucs symphonique – de Naples à Venise
Durée : environ 1 h 15 sans entracte.
Article partenaire.
Visuel : ©Patrick Fouque