De passage pour quelques mois à Marseille, la rédaction en a profité pour aller à la rencontre de ses artisan.e.s. Derrière les portes des ateliers phocéens, des savoir-faire, des gestes, des parcours, des femmes et des hommes qui se sont exprimés librement sur leur métier d’art respectif et leurs enjeux. Cult.
Si jusqu’alors pour cette série sur l’artisanat marseillais je suis allée à la rencontre de deux luthiers, une bijoutière, un sculpteur-ornemaniste et une marqueteuse de paille, je suis initialement spécialisée dans les savoir-faire textiles. Alors, après avoir beaucoup appris en sortant de ma zone de confort et en faisant de belles rencontres, je renoue aujourd’hui grâce à Ghislaine avec mon matériau de prédilection : la laine.
Et ce, dans un environnement unique. L’atelier de Ghislaine est un havre de paix, empli de plantes sous une jolie verrière, où l’épure scandinave et l’art de vivre japonais fusionnent avec le bouillonnement créatif marseillais. De suite, on se sent bien dans ce lieu dessinant un habitat doux, tout en courbes, féminin, à l’image de l’élégance de Ghislaine. Dégustant ensemble un thé, la discussion autour de la laine et de ses créations peut commencer.
Le feutre est obtenu à partir de fibres de laine lavées et cardées, c’est-à-dire peignées, que je dispose en couches fines et croisées. J’utilise essentiellement de la laine de race Bergshaff provenant d’une petite ferme familiale du Tyrol italien et du Mérinos français. Une fois les fibres en place, j’arrose d’eau chaude savonneuse puis je frotte et roule le tout dans des nattes de bambous. Je peux alors fouler et feutrer la laine, permettre en fait aux fibres de s’emmêler de manière définitive pour former une matière à la fois souple et résistante.
Je tricote depuis très jeune. C’était donc naturel pour moi de chercher à intégrer cette technique dans mon travail du feutre. J’incorpore effectivement la maille dans le feutrage, là encore les fibres s’imbriquent les unes avec les autres. Cela donne une matière plus singulière, avec un jeu de textures et de reliefs que j’affectionne particulièrement.
J’ai été graphiste pendant 20 ans à Paris, et cela influence encore indéniablement mon approche des formes et des couleurs. Je collabore avec Lola Verstrepen, une teinturière basée à Lauris dans le Vaucluse qui travaille uniquement avec des pigments végétaux naturels. Nous échangeons beaucoup pour obtenir des nuances en accord avec mes inspirations.
Tout à fait, j’ai collaboré avec Fabrice Serafino explorant la vannerie contemporaine pour une collection ! J’ai pu la présenter au cours de la Paris Design Week en septembre au showroom Oh my laine!, initié par Lainamac et dédié au développement d’une filière laine française vivante et créative dans une démarche locale engagée. C’était absolument passionnant ce pas de côté à la découverte du tressage et de la vannerie, de découvrir de nouvelles matières, de nouveaux gestes.
Comme tout est fait à la main, cela limite évidemment mes volumes de production. Un tapis à titre d’exemple requiert environ 3 semaines de travail. Cela rend impossible la collaboration avec les détaillants, mais, en revanche, mes créations trouvent leur place en galeries d’art et d’objets. Je fais aussi beaucoup de sur-mesure et travaille avec des décorateurs. Je participe donc à des salons pour y rencontrer des professionnels, mais aussi pour des particuliers qui cherchent une pièce unique pour leur intérieur. Tout part souvent d’un tapis : ses couleurs, ses motifs inspirent ensuite une petite collection : des coussins, des paniers, etc. pour un ensemble cohérent.
En intégrant la laine dans nos espaces de vie, Ghislaine Garcin sublime notre quotidien en réintroduisant une matière aux qualités incomparables. La laine, fibre naturelle aux propriétés thermorégulatrices, offre chaleur en hiver et fraîcheur en été, tout en étant respirante et résistante. Par ses créations, Ghislaine nous reconnecte à une tradition textile riche de sens et d’histoire, où fonctionnalité et esthétisme se conjuguent harmonieusement.
Pour découvrir son travail exceptionnel, ne manquez pas sa participation au Salon Révélations, la biennale internationale des métiers d’art et de la création, qui se tiendra du 21 au 25 mai 2025 sous la verrière du Grand Palais à Paris. Cet événement rassemblera plus de 500 créateurs du monde entier, offrant une occasion unique d’apprécier le savoir-faire et l’innovation dans le domaine des arts textiles.
Visuel :© Zoe Forget & Laure Melone