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Immersion au sein de la plus belle entreprise familiale du monde : Brun de Vian-Tiran

par Cloé Assire
27.11.2023

Rendre le monde plus doux : tel est l’objectif on ne peut plus actuel de Brun de Vian-Tiran…et ce depuis 1808 ! La rédaction, de passage dans le Vaucluse, est allée à la rencontre de cette entreprise valorisant des matières naturelles d’exception (laine mérinos, alpaga, cachemire, etc.) tout en prônant une vision aussi singulière que précurseuse des trois piliers du développement durable. 

Au programme : visite de du musée et immersion dans la manufacture de cette PME – élue “plus belle entreprise familiale du monde” en 2023 – où se sont succédées huit générations. Spoiler : un prix amplement mérité tant cette découverte nous a effectivement donné espoir pour une industrie textile et un quotidien authentiquement plus doux !

 

LE CONTEXTE : L’EXPLOITATION DE L’ÉNERGIE HYDRAULIQUE DE LA SORGUE

 

C’est à l’Isle-Sur-La-Sorgue, ville natale de René Char, que l’aventure Brun de Vian-Tiran est née et poursuit encore aujourd’hui son activité. Surnommée la “Venise Comtadine” cette ville doit son essor aux cinq bras de la Sorgue qui la traversent, garantissant une énergie abondante puisqu’issue de la Fontaine de Vaucluse, première source d’Europe et troisième mondiale. Cette énergie hydraulique servit donc, dès l’époque romaine, par le biais de 150 roues à aube à mécaniser le foulage (technique visant à assouplir et adoucir une étoffe) des laines issues des élevages de moutons des plaines entourant Gordes. 

 

Une fois par semaine, un employé de Brun de Vian-Tiran emmène dix personnes en visite dans l’Isle-sur-la-Sorgue pour expliquer cette histoire et ainsi participer à la diffusion des patrimoines immatériels de l’humanité. Et c’est Yvan Méry, travaillant habituellement au sein de la boutique et du musée, qui conduisit la rédaction de Cult.news le long des canaux, au sein du quartier des manufacturiers et enfin sur la Place de la Juiverie, la communauté juive ayant été poussée par le Royaume Papal à ouvrir des manufactures dans la région.

 

LE MUSÉE : LA FILAVENTURE BRUN DE VIAN-TIRAN POUR UNE APPROCHE LUDIQUE DES FIBRES NATURELLES 

 

La Filaventure Brun de Vian-Tiran accolée à la boutique et à la manufacture de l’entreprise retrace aussi ce contexte propice au développement d’une activité manufacturière textile dans la ville.  Mais le musée cherche avant tout à présenter les trois activités principales de Brun de Vian-Tiran : trouver des fibres nobles, imaginer les créations qui découlent de ces matières pour finalement mettre en place le savoir-faire de transformateur. Pour ce faire, la muséographie a été extrêmement bien pensée avec une scénographie favorisant l’interaction avec les publics pour faciliter la vulgarisation de ces propos techniques. 

 

La visite débute par une frise chronologique montrant la contribution innovante de chacune des générations.  Ici, la tradition, c’est de continuer à aller de l’avant. Entre de délicats rideaux de laine et une lumière feutrée, la première partie de l’exposition développe des dispositifs retraçant la quête des plus belles laines du monde sur cinq continents par Brun de Vian-Tiran, qui est également le premier transformateur français des laines nationales. Il est ainsi possible de toucher des fibres issues de projets éco-responsables en Mongolie, au Pérou mais aussi de découvrir la finesse des Mérinos d’Arles, une laine d’excellence voulue par Louis XVI qui fut perdue au cours du XXème siècle. Pierre Brun, septième génération que nous croiserons dans la manufacture, a reconstitué ce cheptel avec une dizaine d’éleveurs s’occupant aujourd’hui de 2000 moutons de cette espèce. 

 

La deuxième partie de l’exposition met ensuite le doigt sur la création des produits Brun de Vian-Tiran, distribués dans plus de 1500 boutiques dans le monde. L’objectif principal n’est autre que de révéler les qualités intrinsèques de la matière première, de ne pas trahir ce que la nature a à offrir. Un fil conducteur qu’on retrouve dans les quinze étapes de transformation de la fibre jusqu’au produit final, toutes réalisées à l’Isle-sur-la-Sorgue et explicitées dans le musée : assemblage, ensimage, teinture, cardage, filature, bobinage, ourdissage, tissage, épincetage, foulonnage, lavage, chardonnage, rame, apprêts secs et confection. 

 

Le musée La Filaventure permet ainsi une première approche ludique des laines et de toutes les innovations esthétiques et techniques qui furent mises en place pour coller aux besoins de la clientèle. C’est aussi, avant la visite de la manufacture, l’occasion de s’immerger dans la quête de douceur matérielle et immatérielle de Brun de Vian-Tiran pour qui l’étoffe est un médiateur entre soi et le monde, en garantissant donc symboliquement une relation plus apaisée à ce dernier. La qualité intrinsèque et donc la durabilité des produits qui se transmettent comme l’entreprise de génération en génération viennent appuyer cette vision clarifiée ainsi dès l’entrée : “La nature est douce aux hommes qui savent transformer avec respect ce qu’elle offre de meilleur.”

 

LA VISITE DE LA MANUFACTURE POUR S’IMMERGER DANS LA TRANSFORMATION DES FIBRES ET DANS LES ENGAGEMENTS RSE DE BRUN DE VIAN-TIRAN

 

Pour qu’une entreprise fasse preuve d’autant de transparence en accueillant du public chaque semaine dans sa manufacture, c’est qu’elle n’a rien à cacher tout en mettant la transmission au cœur de ses valeurs. Et autant vous dire qu’on aimerait grandement qu’une telle transparence devienne la norme dans la mode ! 

 

Ce fut un véritable bonheur que de découvrir les stocks de fibres du monde entier, de clarifier la différence entre la laine, venant du mouton, et les poils, désignant toutes les autres fibres tondues comme les chèvres, lamas ou camélidés. De parler avec des employés passionnés de l’origine du mouton Mérinos sur les monts Atlas au Maroc avec un poil inférieur à 23 microns (à titre d’exemple nos cheveux, faits eux aussi de kératine, ont un diamètre de 50 microns). Si la rédaction fut aussi enthousiaste, c’est que l’industrie de la laine en France est proche du néant, les autres initiatives étant souvent réduites à une échelle artisanale car les élevages, pour des raisons monétaires, favorisent la viande plus que la laine, qui nécessite de surcroît pour conserver une belle qualité de faire paître loin des buissons. C’est donc la seule entreprise de l’Hexagone à travailler la fibre animale de la matière première jusqu’au produit fini. Mais c’est donc bel et bien possible ! 

 

Pour ses laines et poils sourcés dans le monde entier, Brun de Vian-Tiran travaille avec des négociants proches des éleveurs. En effet, si telle vallée peut garantir telle teinte de laine, le négociant saura quelle autre vallée aura la teinte qui se rapprochera le plus de la première s’il faut garantir par exemple une tonne de laine uniforme. L’expérience du terrain est donc primordiale, ce qu’aucune machine ne peut remplacer. 

 

Brun de Vian-Tiran reçoit ensuite les fibres lavées et déssuintées par bateau pour des raisons économiques et écologiques. A l’heure où nombreuses sont les entreprises cherchant à écouler leurs stocks d’invendus, Brun de Vian-Tiran possède des laines datant d’il y a parfois plus de quarante ans. La marque est en effet très dépendante du coût des matières premières et la laine ne craint ni l’eau ni le feu, les fibres animales étant justement appréciées pour leur thermorégulation. Seules les mites sont à redouter et des pièges à phéromones sont donc utilisés. 

 

Le respect animal est également au cœur des valeurs de Brun de Vian-Tiran qui refuse notamment de travailler la vigogne, vivant dans les hautes altitudes de la Cordillère des Andes. Très sensible, il faut endormir cette espèce pour la tondre, beaucoup succombent suite à des crises cardiaques tandis que les femelles ne se reproduisent plus une fois tondues. L’angora est également proscrit puisque l’animal est épilé, engendrant beaucoup de souffrance. 

 

Chaque étoffe prend en général quinze jours pour ses quinze étapes de production. Pour chacune d’entre elles, la rédaction rencontre des employés qui s’affairent sur ces produits d’excellence, des employés qui eux aussi sont parfois là depuis quatre générations. Les ⅜ ici n’existent pas et sur les 45 employés de Brun de Vian-Tiran, trois sont entièrement dédiés à la maintenance des machines et peuvent en cas de besoin fabriquer les pièces qui ne sont plus commercialisées. Chaque étape nécessite un savoir-faire particulier et la visite de la manufacture s’avère donc être une mine d’or culturelle en plus d’un moment plaisant. 

 

Bref, rien n’est laissé au hasard et cette cohérence à chacune des étapes de la chaîne de valeurs pourrait constituer un excellent modèle à suivre pour de nombreuses autres initiatives. Les piliers sociaux, environnementaux et économiques de Brun de Vian-Tiran font donc corps avec ceux définissant le concept de développement durable, constat que nous avons donc développé avec Jean-Louis Brun dans un second article. Un échange aussi passionnant qu’inspirant pour le futur de l’industrie ! 

 

Crédits : Cande Brunde