Crémone, ville musicale dédiée au slow tourisme

Crémone, c’est le berceau du violon. La ville de Stradivarius, d’Amati et de Guarneri, tous luthiers célébrissimes dont les chefs d’œuvres sont devenus des placements prêtés par les fonds de pension à d’illustres concertistes. A Crémone, le vibrato, le pizzicato jaillissent à tout bout de champ. Souvent sur la Piazza de la Commune, cette place médiévale qui est le cœur vibrant de la cité des visiteurs enthousiastes amorcent un pas de danse débridé comme emportés par un rythme irrésistible. Puis ils s’arrêtent et découvrent, séduits cette toute petite ville agricole riche de génie et de grandeur ! Ils admirent la cathédrale du XIIe siècle que gardent des lions de marbre rose et dont les fresques disent l’avènement de la perspective. Ils s’étonnent du campanile de brique de cent douze mètres de haut, l’un des plus hauts d’Europe qui permet une vision à 360° sur la plaine du Pô. Ils s’étonnent de cette horloge monumentale au cadran démesuré (plus de huit mètres de diamètre) qui fonctionne toujours, preuve s’il en fallait que le temps décidément compte à Crémone.

Dans l’atelier du luthier

Car à Crémone les luthiers d’aujourd’hui créent des violons comme il y a trois cents ans. Dans l’atelier de la famille Conia, lieu paisible niché au fond d’un jardin de curé, Conia père, quatre-vingt ans passés, ponce doucement un instrument alors que son fils, la quarantaine, prépare les vernis. Un mélange gardé secret de gomme laque, de résine de mastic, de genévrier, d’aloès du Cap mais aussi de gomme adragante et de térébinthe. Très concentré, le vieil homme confie que ces chefs d’œuvre réclament la bagatelle de deux cent vingt heures de travail et se monnaient 15000 euros, prix très raisonnable pour des instruments dédiés à un usage professionnel. D’ici sortent des violons profonds et expressifs alors que d’autres ateliers créent des instruments plus violents ou plus austères. Les deux compères choisissent le bois eux-mêmes et le mettent à sécher dix ans! Toujours de l’épicéa rouge pour la table pendant que le fond est lui taillé dans de l’érable deux essences qui résonnent bien.

Creuset artistique lié depuis le XV ème siècle au prestigieux Duché de Milan au mécénat affiché et somptuaire, gros carrefour commerçant où le bois arrivait facilement descendant des forêts du nord par le Pô, Crémone avait tous les atouts. Conia junior montre comment placer l’âme du violon (pièce qui relie table et fond et transmet toutes les vibrations) et dévoile un violon interrompu, un seul nœud dans le bois pouvant annihiler des dizaines d’ heures de travail obligeant à abandonner en cours de route….rançon de la quête de perfection.

Dans la maison de Stradivarius

Rue Garibaldi quelqu’un joue magnifiquement dans la maison qu’habitait autrefois Antonio Stradivarius (1644-1737) et ses six enfants (casastradivari.org). C’est Fabrizio Von Arx le directeur artistique de la Fondation Stradivari, un violoniste émérite qui anime le lieu. Si de jeunes apprentis luthiers viennent du monde entier se former en quatre ans à Crémone dans une des trois écoles spécialisées et passer le difficile Concours triennal, la Casa Stradivari accueille elle en résidence les meilleurs lauréats. En dix-huit mois ils réalisent leur chef-d’œuvre dans l’atelier ouvert au public. C’est l’occasion de discuter et d’admirer les grands luthiers de demain au travail. Parallèlement Fabrizio Von Arx explique illustration sonore à la clé l’évolution de cet instrument à cordes. Comment Stradivarius a réalisé 850 instruments au cours de sa longue existence et amélioré constamment sa forme. Près de deux cents subsistent dont une cinquantaine restent utilisables qui valent entre 15 et 30 millions d’euros. Les concerts donnés devant une plus nombreuse assemblée étant devenus à la mode, le Maître a dû élargir l’instrument pour développer sa puissance. Paganini et le jeu romantique feront encore évoluer l’instrument ajoutant le pizzicato (le pincement simultané de plusieurs cordes) et augmentant le nombre d’octaves.

Un musée avec gardes du corps

Célèbre dans le monde entier, le Musée du violon de Crémone est une splendeur à la scénographie contemporaine aussi lisible qu’esthétique. Mieux vaut visiter le matin pour assister à midi au concert quotidien donné dans l’auditorium (museodelviolino.org). Un florilège d’airs célèbres est alors joué par une concertiste sur l’un des instruments historiques appartenant à la Municipalité. C’est tout un cérémonial car seul le Conservateur est autorisé à tirer les précieux instruments de leur vitrine, opération durant laquelle il est dûment accompagné d’un garde du corps ! Les trésors réclament d’infinies précautions ! Vous entendrez peut-être jouer le « Vesuvio » surnom d’un modèle réalisé en 1727 par Stradivarius âgé alors de quatre-vingt-trois ans. Apparition du violon dans l’histoire des cordes, diffusion à partir du XVI ème siècle, grandes dynasties de luthiers (Amati le précurseur, Guarneri qui construisit le Jesu au son puissant comme un canon…), outils d’atelier, travail de faussaires ou chefs d’œuvres réalisés pour le Concours international de lutherie créé en 1977, l’endroit passionne. Cerise sur le gâteau, un immense coquillage acoustique délivre le son que vous entendriez assis au milieu d’un orchestre de cordes, une immersion audio diffusée par 24 hauts parleurs. Pulsant!

Mais il y a une vie en dehors du violon…

Crémone ne se résume pourtant pas au violon. Le visiteur se régalera aussi à table. Car cette plaine où la Lombardie rejoint l’Émilie – Romagne est riche de produits agricoles délicieux. Un très joli marché biologique s’installe ainsi en pleine rue deux fois par semaine au centre où croquer asperges et artichauts croquants, suaves agnoletti à la citrouille, saucisson à l’ail et bien sûr la fameuse Mostarda, chutney de fruits confits au sirop relevé à l’essence de moutarde. N’oublions pas le traditionnel Torrone, créé dit-on pour le mariage de Maria Visconti avec le redoutable condottiere Sforza. Un homme qu’il fallait sans doute amadouer. Le gourmand ira dès l’arrivée savourer une exceptionnelle salade caprese tout près du Duomo (au restaurant éponyme), se régalera le soir d’un poisson grillé au bord du fleuve pour prendre le frais (Trattoria la Lucciola). A moins de préférer les solides spécialités rustiques de l’Osteria del Melograno ou les délicatesses de l’Hosteria 700 située dans le somptueux Palais Barbo. Un lieu au jardin intérieur reposant et au cadre recherché où miroirs baroques, lustres à pampilles et portraits de famille accompagnent superbement le savoureux risotto pourpre (hosteria700.com). D’autres, prévoyants, courront faire des provisions gourmandes de Grana padano (le petit frère du parmesan) à la puissante coopérative voisine (Caseificio Fattorie Cremona).

Un festival Monteverdi de haut vol

Claudio Monteverdi est l’autre célébrité de Crémone. Un prestigieux festival lui est consacré en juin (du 13 au 29) qui se donnera au théâtre Ponchielli, dans les palais et les églises (monteverdifestivalcremona.it). Rejoindront alors cette ville où les enfants des écoles apprennent l’art lyrique des célébrités internationales comme Jordi Savall et l’irrésistible Cecilia Bartoli. Un moment unique pour découvrir cette ville chaleureuse! (Vivaticket.com)

En pratique

Y aller : Crémone est à une heure de Milan. La ligne directe PARIS-MILAN gérée par Trenitalia (trenitalia.com, à partir de 39 euros l’aller) fait de Crémone une destination accessible par le seul train. Et on ne se privera pas de visiter simultanément Parme et Brescia très proches et très passionnantes.
Pour s’aérer : les demeures historiques dans la campagne alentour (Targetturismo.com) et un trajet en bateau sur le Po puisqu’il est même possible de remonter jusqu’à Venise. Des véloroutes longent le fleuve qui permettent de visiter les petits bourgs médiévaux ( Créma), les ravissantes cités comme Casalmaggiore (Intéressant musée du bijou) ou Sabbioneta (une étonnante synagogue qui montre que les Gonzague accueillaient la communauté juive).
Où dormir : à la Foresteria la Vista, appartement situé dans un palais épiscopal. Ou au Delle Arti design hôtel.
Pour en savoir plus : http://www.turismocremona.it et Italia.it, l’office du tourisme italien.