A une heure de Strasbourg, c’est déjà l’Allemagne et le dépaysement. Dédiée au bien-être, au jeu et à l’art, lBaden-Baden déjoue les stéréotypes.
Baden-Baden, ville enjouée du Bade-Wurtemberg a redoublé son nom autrefois pour se différencier de tous les Baden (bains en allemand) qui émaillaient les territoires de langue allemande. La cité thermale de 56000 habitants s’avère il est vrai foncièrement originale. Elle pourrait paraître un peu désuète avec son passé de ville d’eau, elle ne l’est pas. On peut certes s’ébrouer, se détendre, s’alanguir dans les eaux chaudes mais comme c’est aussi un spot de randonnée ultra-sportif l’endroit échappe à toute idée de mollesse. On pourrait la croire nostalgique du passé mais les gloires actuelles s’y pressent, d’Emma Watson à Victoria Beckham (au Brenners park hotel). En plein coeur, un superbe promenade s’offre à ceux qui goûtent les promenades romantiques comme aux amateurs de trail. Plantée de trois kilomètres de long classée par l’Unesco, la Lichtentaler allee encercle la minuscule rivière Oos qui caracole sous des ponts d’opérette. Tourgueniev louait déjà ses arbres magnifiques dans une lettre adressée à Flaubert c’est dire si elle est célèbre. Et puis c’est la clarté, la lumière. Pas de sombre forêt d’épicéas ici mais une végétation verdoyante, des sources jaillissantes, des cascades apprivoisées (le Paradies), des vergers, une roseraie. Cerise sur le (magnifique) gâteau, grâce au funiculaire vous atteignez en cinq minutes le Mont Merkur, une moyenne montagne accueillante où profiter d’une vue sublime ou faire du deltaplane. Bref, Baden-Baden a du tonus.
C’est aussi une ville historique. Sans remonter jusqu’aux Romains qui venaient ici comme en témoignent les vestiges d’un caldarium, elle se développe comme au XIXᵉ grande époque des villes d’eau. Quand Louis-Philippe interdit les jeux d’argent en France, des gérants de salles de jeux parisiennes s’installent ici pour relancer leur activité. L’argent des salles de jeux coule vite à flots et irrigue toute la ville. Le directeur, Jacques Bénazet et son fils, construisent le casino, le théâtre et la Trinkhalle, une buvette pour curistes au chapiteau corinthien ornée de fresques qui loge l’office du tourisme actuel (www.baden-baden.com). Anecdote croustillante, l’église elle-même en bénéficie, on lui offre un deuxième clocher (« mais il ne fallait pas que la source de financement s’ébruite « précise Marion Krieg notre guide qui raconte l’autre moment fort de l’histoire, beaucoup plus tard l’étrange épisode de l’aller-retour de De Gaulle à Baden-Baden…en mai 1968! Une mise en scène spectaculaire).
Après 1850, la cité attire têtes couronnées et aristocratie venues prendre les eaux et jouer au casino. Napoléon III, l’empereur d’Autriche et le tsar se retrouvent là, une foule de russes bien nés, d’anglais qui dessinent là le premier golf d’Allemagne et des parcs romantiques. Artistes et écrivains accourent. C’est ici que Dostoïevski a perdu toute sa fortune (il en a tiré un ouvrage célèbre, Le joueur) et que Tolstoï mauvais joueur, se fit tirer l’oreille pour régler ses dettes. Le casino, sublime, comporte des salles aux ors bien restaurés, tapissées de soieries rouges, lustres en cristal somptueux et fascinantes tables de jeu, roulette ou black jack. Il ne faut pas hésiter à discuter avec l’un des cent croupiers qui expliquent la psychologie des addictions et les subtilités de la roulette anglaise, la mise qui va de deux à cinquante mille euros la plaque, comment reconnaître le saladier et le tailleur… (ouverture à 15h, 5 euros). L’endroit compte aussi une boite de nuit ouverte jusqu’à l’aube.
Les musiciens, Liszt et Brahms et bien plus tard Pierre Boulez n’étaient pas insensibles aux charmes d’une cité où la musique régnait partout. Orchestre promenade la journée, bal le soir, Bénazet intervient encore en créant l’Orchestre philharmonique de Baden-Baden. La construction d’une salle immense, le plus grand opéra d’Allemagne, le Festspielhaus (2500 places, la Bastille en compte 2700) et le lancement il y a vingt-cinq ans d’un Festival de dimension internationale, a donné une autre envergure à la scène locale. À noter le Festival de Pâques les 12 et 13 avril (La Symphonie alpestre de Richard Strauss avec le jeune chef d’orchestre finlandais Klaus Mäkelä qui va prendre la direction du Royal Concert Gebouworkest d’Amsterdam), un hommage à Boulez pour Pentecôte et un grand festival l’été avec même des concerts à quatre pattes pour les bébés (www.festspielhaus.de). réservations à www.baden-baden.com
Les arts plastiques ne sont pas en reste avec le musée Burda, un très beau white cube conçu par Richard Meyer qui propose des expositions d’avant-garde comme celle qui débute en novembre sur le japonais Yoshimoto Nara (museum-frieder-burda.de). Sa boutique est l’endroit d’où rapporter un souvenir original.
Rejoindre au petit matin le Fridrichsbad, luxueux établissement de bains construit au XIXᵉ (1869) est un bonheur rare (35 euros) Vous connaîtrez sans doute le plaisir de jouir seul des 17 piscines, bains de vapeur ou glacé, salle où s’oindre des pieds à la tête de crème à l’eau thermale… De très belles céramiques Art nouveau ornées de bouquets de fleurs couvrent les murs, l’endroit dégage un charme que ne possède pas l’établissement moderne situé à côté, plus adapté aux familles. Un autre établissement moderne lui possède une piscine animée de jets d’eau et de remous très bien chauffée car l’eau sort de terre à haute température, mais en plein air ! Le must.
Une douceur après l’effort ? Le Café König (1898) paraît l’endroit idéal pour ne pas résister à la tentation. Délicieusement désuet, ce lieu où des messieurs chics viennent déjeuner au calme propose des douceurs irrésistibles, l’Apfelstrudel fondant, le Sachertorte et les tartes aux fruits des bois qui prennent des airs cinématographiques (chocolatier.de). Rumpelmayer l’autre adresse historique, est située sous les arcades, près des revendeurs de sacs et de foulards vintage. Ce fut la maison mère de notre Angelina parisienne.
Les bonnes tables abondent. Au premier rang desquelles Le jardin de France, maison familiale étoilée Michelin depuis vingt-cinq ans. Le soir, la clientèle s’éternise tant l’ambiance et les mets y invitent. Les irrésistibles amuse-bouche et le homard aux girolles réclament de prendre son temps (jardindefrance.de). Der Kleine Prinz est l’autre table de charme avec un séduisant menu en six services déclinable en version tapas. Une cuisine joyeuse et précise pour gouter les arômes revisités de la Forêt noire et notamment la venaison aux myrtilles http://www.derkleineprinz.de
(encadré)
Pour loger, la Belle époque, une villa romantique classée qui fut le fief du commandement militaire allemand durant l’occupation française après-guerre. Très joli parc. Un excellent rapport qualité-prix (240 euros, petit déjeuner et thé compris.hotel-belle-epoque.de
Pour en savoir plus : http://www.baden-baden.com