Avec sa nouvelle création jeunesse, Fouad Boussouf propose un petit conte mêlant avec légèreté le hip-hop et la danse contemporaine au théâtre de Chaillot. Combinant les répertoires, les deux interprètes, Yanice Djae et Sébastien Vague, charment l’assistance avec un rien de prouesses et de vis comica.
Il fait bon être à Chaillot en cette brumeuse matinée de décembre. À cause du brouillard, on ne voit certes plus que les quatre grands pieds de la tour Eiffel, mais voilà une chose qui n’a de quoi déranger que les touristes et les oisifs qui ont pris la décision d’y monter de leur plein gré : ceux-là l’ont bien cherché. Pour les badauds les plus avertis, aux abords du Trocadéro, il y a un tout autre spectacle à contempler : des hordes de petits bonhommes s’acheminent, cahin-cahan, jusqu’aux portes du théâtre. Une fois entrées à l’intérieur, les bruyantes brebis, plus ou moins gentiment dirigées par leurs adultes bergers, découvrent et s’approprient ce nouvel espace. Ce matin du 11 décembre, c’est séance scolaire au palais.
Le palais est en travaux ces temps-ci : la salle Jean Vilar est en train d’y être rénovée. La représentation se donne dans le foyer de la danse. Ils s’installent avec leurs accompagnants sur des coussins, tout devant, ou sur des banquettes, derrière. À ce moment, elle semble tout à fait vraie, l’assertion populaire qui veut que les enfants ne tiennent jamais en place plus de quelques minutes. Mais est-ce bien grave ? Les rires et les jeux de nos jeunes voisins ont quelque chose de follement réconfortant, presque solaire. D’autant plus qu’ils égayent autour d’eux une scénographie des plus austères, pour ne pas dire inexistante. Une scène noire, entourée de rideaux noirs, et quelques projecteurs au plafond.
Alors, après avoir obtenu le silence, ils apparaissent. Tout de noir vêtus, eux aussi, ils commencent doucement leur dialogue, sonnant et trébuchant. Et pour Yanice Djae et Sébastien Vague, c’est tout sauf une première fois. Les deux amis, que Fouad Boussouf a rencontrés dans les années 2010 à Vitry-sur-Seine, ont déjà fait pas mal de route ensemble. Depuis, ils sont devenus danseurs professionnels et après un premier duo en 2014, nommé Les Éléments, ils reviennent avec YËS, en se nourrissant de cette complicité qui s’épanche quand ils dansent. L’histoire qu’ils racontent est une sorte de rencontre, de poursuite entre deux entités qui se chassent, se confrontent et se tournent autour en mobilisant des ressources physiques dantesques.
Yanice fait du beatbox et Sébastien siffle. Rudement bien, il faut le dire. Sans jamais parler, ils donnent à l’espace une couleur chaude et alternent les répertoires. Les quelques vieilles têtes présentes dans la salle ont le sourire aux lèvres, au moment où ils invoquent dans la pièce la silhouette de la Panthère rose en y faisant résonner The Pink Panther Theme (1963) de Henry Mancini. Par leurs jeux de bouche et de corps, ils parviennent même à faire revenir Mozart d’entre les morts, et ce n’est pas rien, en jouant un extrait de La flûte enchantée (1791). Prouesses, Prouesses…
Ils enchaînent les gestes acrobatiques, hip-hop. Le public attentif s’exclame à chaque virevolte des deux artistes, le spectacle a conquis son assistance. En plus, avec leurs expressions, à la frontière du mime et du burlesque, ils donnent un ton vraiment humoristique à leur performance. Les enfants rient volontiers. Les adultes aussi. Ce faisant, ils offrent, pour nous, un court moment suspendu dans le temps et interagissent même avec la salle. À la fin du spectacle, est organisée une petite séance de questions-réponses très mignonne avec les mioches. Petit moment d’incompréhension, néanmoins, quand un d’eux s’empare du micro et lance, s’adressant à l’un des danseurs : “Toi là, t’es ridicule !”. Une preuve de plus, s’il en fallait, que la vérité ne sort pas toujours de la bouche de nos jeunes pousses.
Yes de Fouad Boussouf, Théâtre de Chaillot, du 11 au 14 décembre. 30 minutes avec Yanice Djae et Sébastien Vague. YËS Fouad Boussouf / Le Phare CCN du Havre Normandie | Théâtre de chaillot
Visuel principal : © Charlotte Audureau