Yann Marguet : rire face au vertige de l’existentiel

Les plus grandes questions, celles qui donnent le vertige, on se les pose souvent chez soi, dans son lit, le soir ou dans son salon. A défaut de nous recevoir sous la couette, Yann Marguet nous ouvre son antre : une guitare et une lampe soutiennent un fantastique fauteuil en cuir et un gramophone… On aperçoit les bières et les clopes. Tout est en place pour philosopher : Exister définition, vous avez une heure !

Il est question d’une voix off (la délicieuse voix française de Morgan Freeman) incarnant un scientifique, qui raconte l’Univers, l’infiniment grand, assène des chiffres à faire tourner la tête (13 milliards 500 millions d’êtres humains) et nous met face à notre minisculosité. Il est aussi question d’un homme, bonnet vissé sur la tête, qui, cyniquement, commente tout et s’amuse à prendre des photos avec son téléphone. Puis la voix off, vexée, finit par s’agacer.

Le décor est planté, comique de situation et vannes bien senties, telle est la recette selon Yann Marguet pour rire du vertige existentiel. Il nous embarque avec lui dans cette quête de sens, zoomant et dézoomant pour trouver une réponse à la question qui l’a percuté à 6 ans, un soir où il s’était perdu dans son lit : « pourquoi on est là ? ». 

De la « pire année de l’Histoire » à la distraction pascalienne

Une heure durant, il zoome et détaille les stratégies et les profils de celles et ceux qui semblent s’être trouvé une réponse : Patrick, le mec du coin, qui se concentre prosaïquement sur le moment et chasse tous questionnements, Fabienne, l’enseignante de catéchisme, qui a trouvé dans la foi une réponse à toutes ses angoisses, ou tous ces scientifiques qui s’usent à chercher des vérités prouvées (même s’ils finissent par les démentir :  du coup Platon, planète – pas planète – planète ?).

Il dézoome aussi, avec l’aide de la voix-off, pour chercher dans l’Histoire et l’Univers, dans l’histoire de l’Univers, une réponse. L’immensité angoisse autant qu’elle rassure, trouver sa place, comment se sentir unique au milieu d’autant d’altérité… Avec l’aide de la musique, d’un air de guitare, “lonely i’m mister lonely, I am nobody on my own” et autres “My Young And Troubled Days” au tourne-disque, une cigarette et une bonne bière, Yann Marguet cherche une sortie à la question. Une chose est sûre, rien ne dure et tout est bien moins rude quand 536, que si nous étions une douve du foie … ou que dans un avion quand un mioche hurle ! 

Par ces anecdotes élémentaires et des digressions savoureuses, Yann Marguet nous berce, et nous distrait. N’est-ce pas ce que l’on fait tous ? Ne serait-ce pas la solution ? Le philosophe Pascal au XVIIe siècle n’avait-il pas déjà tout dit ? Petit, perdu dans son lit, quand il s’est réveillé avec cette angoisse suprême, à la question « pourquoi on est là ? », sa mère lui a répondu « Pour être heureux. ». On se dit que d’une certaine façon, elle avait raison.