Le festival Paris l’été accueille jusqu’au 10 juillet Vaslav, cabaret trav d’Olivier Normand. Une soirée drôle et sensible.
Dans sa longue robe noire, Vaslav nous avertit : elle n’est pas une drag queen, mais « un travelo de spectacle d’obédience genetienne ». Quant aux lourdes rivières de brillants qui lui descendent jusqu’au nombril, précise-t-elle, insiste-t-elle, c’est du « toc ». Qu’importe ! Nous y verrons des pierres aussi précieuses que celles de Cartier, faites des mêmes gemmes que le rideau doré qui scintille derrière elle. Ce soir, tout sera velours et diamant.
Car la voix de Vaslav, qui nous accueille dès l’entrée dans la salle de bois du lycée Jacques Decour, est faite d’un beau grave enveloppant, affirmant une tessiture féminine qui ne semble pas surjouée. Qu’il s’agisse de son timbre ou de sa silhouette, rien, dans ce qui « fait femme », chez Vaslav, n’est outré : elle fait montre d’un travestissement tranquille, simple et serein, que définit sans doute ce qu’est à ses yeux l’« obédience genetienne ».
Cette identité n’a bien entendu nulle parenté avec Gérard Genette – bien que l’entrelacement de nombreuses intertextualités, au sein du spectacle, s’y prêterait – mais de Jean Genet, l’auteur des Bonnes et de Notre–Dame des fleurs. On l’aura compris, Vaslav est une fine lettrée, et ses chansons sont entrecoupées de digressions drôles et savoureuses qui accordent une large place à la littérature et aux arts. Quelques détours par l’autobiographie, aussi, comme le veut le genre du cabaret, mais avec grâce et parcimonie, sans trémolos surabondants. C’est qu’il n’est nul besoin d’accordéon triste, ici, pour faire naître des émotions : la proximité du public et du « travelo de spectacle » suffit à créer une communion. Sous les yeux de Vaslav, un point argenté joue des larmes prêtes à couler sous nos propres yeux.
Et le chant ? La voix douce et chaude de Vaslav, la « chanteuse intello », interprète Christophe et Monteverdi, Piaf et Haendel, passant de l’aigu au grave avec aisance et souplesse. Avec la shruti box qui l’accompagne de ses tonalités soufflées, elle s’approprie les grands airs des musiques savantes et populaires, leur donnant une silhouette nouvelle, une mélancolie douce et légère. Le tour de chant de Vaslav, qui joue du genre du cabaret sans s’y inscrire tout à fait, montre si besoin en était qu’une grande maîtrise n’exclut pas la sensibilité, ni l’érudition l’humour.
Vaslav, les 9 et 10 juillet au lycée Jacques Decour.
Conception et interprétation : Olivier Normand
Son : Pablo Da Silva
Lumières : Vincent Brunol
Regard dramaturgique : Anne Lenglet
Robe : Hanna Sjödin
Visuel : © Jérémy Piette