La Compagnie Point Zéro s’empare d’un classique – Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare – et en tire un spectacle psychédélique qui ne s’arrête jamais. Une reprise qui détourne tous les interdits – aussi bien dans le fond que dans la forme – à découvrir au 11. Avignon pendant le Festival Off d’Avignon.
Quand on voit Songe d’une nuit d’été, il est difficile d’expliquer à quoi l’on assiste. Ce spectacle est un véritable imbroglio dont on aime être témoin. En un claquement de doigt, on en oublie le quotidien morose et on ne pense plus à rien. On est emporté dans un monde surnaturel et fantastique régi par des lois qui nous sont inconnues. Un monde qui exacerbe les passions amoureuses et les pulsions sexuelles, un monde où chaque réaction prend des proportions démesurées, où les situations sont extrapolées, où tout prend une tournure déjantée.
Le Songe d’une nuit d’été est une pièce d’un nouveau genre. Impossible de savoir à quoi s’attendre, ni d’expliquer à quoi il faudrait s’attendre. C’est un spectacle de l’instant, qui fait du temps présent une parenthèse absurde à l’humour grinçant, graveleux. On rit de situations aberrantes, de personnages caricaturaux, de l’obscénité outrageusement exhibée. Tout tourne autour du sexe et de la sexualité, les personnages sont érotisés et on se demande régulièrement jusqu’où ils seront capables d’aller.
Sur le plateau ils sont 8 comédien.ne.s pour 15 marionnettes et aucun.e n’a de rôle assigné. Ils « s’échangent » les personnages, passant de l’un à l’autre sans se préoccuper de son genre. Hommes et femmes ne font plus qu’un, l’identité de genre disparaît. Des propos féministes transparaissent également dans l’histoire : les femmes luttent pour que leur avis soit entendu, elles se soulèvent face aux propos misogynes de leur compagnon, refusant d’être traitées de « hochet », d’objet. Quand on y regarde de plus près, Le Songe d’une nuit d’été prend un aspect étrangement engagé.
Le Songe d’une nuit d’été est un spectacle de marionnette, mais dès les premières minutes un flou s’installe : qui sont les marionnettes ? La frontière entre manipulé et manipulant s’effrite, et plus la pièce avance, moins il est possible de savoir qui est l’un et l’autre, le manipulé se transformant en manipulant et inversement. En prêtant une partie de leur corps aux marionnettes – seul le buste est factice – les comédiens doivent se plier à leurs actions. On ne sait plus qui est à l’origine du mouvement, qui prend les décisions, qui parle. Parfois, le marionnettistes s’efface complètement au profit de la marionnette, parfois il reprend l’ascendant
Le songe d’une nuit d’été est un spectacle devant lequel on reste bouche bée. La prestation de la Compagnie Point Zéro est hors norme, elle échappe aux règles, aux conformités. Pour espérer en saisir l’essence un seul conseil : allez-y !
Au 11. Avignon du 7 au 26 juillet à 22h10. Relâches les 13 et 20 juillet.
Visuel : ©Debby Termonia