Un Nicolas de Staël entre ombre et lumière au théâtre 14

Nicolas de Staël semble avoir questionné son art toute sa vie. En quête d’absolu, celui qui fut l’un des grands peintres du siècle passé avait l’obsession de la peinture, c’est ce qu’il dit dans les lettres adressées à sa famille, son marchand d’art, et ses amis. Cette riche correspondance dessine les contours d’un destin dont seul l’accident fatal semble pouvoir éteindre cette passion dévorante.

C’est en tout cas l’hypothèse développée par Mara, jeune élève d’une école d’art qui n’a pas à priori d’inspiration quand il s’agit de s’attaquer au grand peintre. « Vous êtes perdue ? Profitez-en, c’est là que tout peut advenir » lui lance son professeur. Elle décide de s’intéresser à l’homme derrière l’artiste. Dans sa correspondance, qu’elle lit avec assiduité, transpire la tension permanente qui régit la vie du peintre qui a mis un point d’honneur à entretenir un renouvellement continu dans son travail. Il parle du vertige qui l’étreint quand son art lui échappe. Il dit qu’il ira au bout de ses déchirements. Pour Mara, les signes annonciateurs sont là. La mort rôde, inéluctable, toujours en filigrane.

Même si le bonheur est palpable lui aussi : De Staël est un père de famille qui aime passer du temps avec les siens, qui parle de ses amitiés avec René Char, Jean Arp, le Corbusier, Matisse et Delaunay quand ils viennent à Nice. Il y a aussi les amours dévorantes, celle avec Jeanne qui le hante et qui a ouvert une faille en lui. Et son « être absent », celui qui est là, sans être là… Il semble comme prisonnier dans sa propre vie.

Mêlant création en direct, danse, et lecture au plateau, « être peintre » effleure avec délicatesse le questionnement autour de l’acte de la création et les limites que ne cessent de repousser les artistes pour aller au bout d’eux-mêmes et chercher leur vérité. La seule recette qui vaille, selon le professeur : « accueillir ce qui vient et se laisser surprendre par soi-même ». 

En alternant tour à tour les points de vue de l’élève, du professeur et du peintre, la mise en scène, sobre et dépouillée, donne l’illusion d’un rêve éveillé qui lève le voile sur un être à part, un génie à l’œuvre.