Aux Zébrures d’Automne 2025, le Théâtre National Palestinien présentait Un cœur artificiel de Mohammad Basha et Firas Farrah. Une pièce au propos cohérent sur l’utilisation des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, qui a réussi à éviter les évidences.
La pièce s’ouvre dans les bruits d’un laboratoire informatique, des écrans se projettent sur les murs de la salle Georges Brassens de Feytiat. Un scientifique un peu fou avec sa démarche robotique semble avoir fusionné avec les machines. La scénographie est portée par les robots, les lumières rouges et vertes dans un environnement gris et blanc, l’univers visuel de l’électronique.
Un coeur artificiel parle des réseaux sociaux et de l’IA, dont le progrès si récent et soudain, passée du format question/réponses de SIRI au mastodonte ChatGPT, fascine. Elle provoque aussi des distances prudentes quant à la question de ses limites. L’IA étant dans toutes les conversations et les inquiétudes, Mohammad Basha et Firas Farrah auraient pu écrire une pièce facile. Avant elle, les réseaux sociaux ont déjà fait l’objet de tous les débats, souvent devenus des banalités. La pièce aurait pu tomber mille fois dans des propos évidents. Et pourtant, derrière cette apparente simplicité, le texte est juste. Il est juste quand il raconte la rupture entre Sami et Rima, qui est partie car elle est épuisée de l’attitude influenceur de Sami, fasciné par les réseaux sociaux comme une star de télé-réalité. Bêtement, il se dit qu’un robot-copine lui permettra de construire une relation amoureuse idéale. Mais au début si alléchant, n’est-ce pas finalement lassant ?
Le texte est juste également quand il présente Le Professeur, appelé pour créer un robot capable de remplacer un Président tyrannique. Comme une machine, Le Professeur veut avancer sans penser ni se remémorer. C’est trop douloureux, il faut anesthésier. Mais La Première Dame aura le courage de regarder le passé pour deux. Ce personnage féminin est central, car il parle de vie. Il amène des réflexions sur le soi, sur la valeur inégalable des souvenirs.
L’énergie des acteurs nous embarque dans cette traversée réflective à travers des histoires qui se croisent. Les metteurs en scène ont porté avec cohérence leur narration, faisant jouer les robots par les comédiens alors que cette technologie tend au contraire à développer des robots capables de nous ressembler.
Proposition très prometteuse, Un cœur artificiel est une comédie fine qui met à l’honneur la place de l’Homme au cœur des technologies, dont on sort le sourire aux lèvres.
Le Théâtre National Palestinien, basé à Jérusalem, est régulièrement l’objet d’attaques. Un grand bravo à leur courage.
©Mutaz Qawasmi
Production Théâtre national palestinien – El Hakawati
Accueil en partenariat avec l’Espace culturel Georges Brassens – Ville de Feytiat
Texte Mohammad Basha, Firas Farah
Mise en scène Mohammad Basha
Avec Raeda Ghazaleh, Firas Farrah, Nidal Al-Jouba, Fatima Abu Aloul
Visuels Hayat Labban
Costumes Fatima Abu Aloul
Éclairage et scénographie Ramzi Sheikh Qasem
Musique Ivan Azazian
Soutien technique Nadim Samara
Conception des accessoires Noor Qaimari
Conception de l’affiche Noor Abu Hashhash
Production Nidal Al-Jouba
Assistanat de production Manwa Abu Jumaa
Conseils artistiques Georgina Asfour, Kamel El-Basha, Amer Khalil, Abdul Salam Abdu, Ameena Adeela