« Transformers » aux Plateaux sauvages : Amine Adjina met KO nos clichés sur la boxe

Une mise en abyme du récit sportif

C’est à travers la figure de son père qu’Amine Adjina aborde la boxe. Un père friand de cinéma américain, Raging Bull et la série des Rocky en tête, mais aussi Million Dollar Baby et Le Champion, avec Jon Voight et Faye Dunaway, film de 1979 inaugurant toute une série de films reposant sur la tension dramatique des combats de boxe, mais aussi leur forte aptitude à créer du mélo. De ces quelques exemples jaillit un premier paradoxe : alors que l’essentiel des pratiquant·es de la boxe sont noir·es, les Blancs et les Blanches sont surreprésenté·es à l’écran. Comment comprendre ce hiatus entre le réel et sa représentation ? C’est l’une des questions soulevées par Transformers.

Cette interrogation sur la discordance entre un sport et sa représentation informe l’ensemble des dispositifs scénique et dramaturgique. Le dispositif scénique tout d’abord : un écran aux allures de ring fait face au public et est régulièrement empli des scènes les plus fortes des films mentionnés par les personnages. Le dispositif dramaturgique ensuite : si l’auteur n’est pas mis en scène, il est mis en mots grâce à la périphrase « celui qui écrit », qui scande le texte tout au long de la scène et met en abyme l’écriture du spectacle.

Des personnages aux allures de nécessités

Dès lors, le vie des personnages semble se confondre avec celle des acteurs et de l’auteur. Pour autant, peut-on dire si le père du début a réellement existé ? Peu importe finalement : il est avant tout un procédé dramaturgique qui lui permet d’explorer les enjeux sociologiques et esthétiques portés par les combats de boxe.

Autre personnage aux allures de nécessité : celui d’Hélène, alias la comédienne Hélène Chevallier (en alternance avec Émilie Prėvosteau), qui entame sans trop y croire des cours de boxe. Elle y côtoie un coach (Romain Dutheil) qui parle autant qu’il boxe. Il parle techniques de boxe, certes, mais ausi cinéma et grandes figures de ce noble art qui n’en finit pas de fasciner autant qu’inquiéter. Hélène, quant à elle, évoque son parcours de boxeuse amatrice, mais aussi la séduction exercée par la boxe sur les sens, avec l’odeur du parquet et des corps ou la moiteur des gants que l’on se repasse comme des trophées.

Les personnages valent donc moins ici pour eux-mêmes que pour ce qu’ils permettent de présenter sur un plateau : le commerce inhérent à tout match, avec la vente de bonbons et de produits dérivés, mais aussi la présence d’une culture qui, de Mohamed Ali à Marcel Cerdan, fédère toute une communauté d’aficionados. Ils n’en sont pas moins drôles, attachants et pleins de vie.

La tension dramatique entièrement tournée vers cet acmé qu’est le KO, de même que la sculpture des corps et des mouvements fait de la boxe un sport régulièrement mis en scène. On se souvient du très beau Stallone, de Fabien Gorgeart, mais aussi de BSTRD, de Katerina Andreou, qui travaillait sur l’essoufflement des corps et la répétition des gestes. Transformers se singularise toutefois par l’attention portée aux questions de culture et de représentation et l’importance du rire, qui montre que l’on peut démonter des clichés sans renoncer au simple plaisir du spectacle.