Tigran Mekhitarian revisite Le Malade imaginaire de Molière dans une mise en scène contemporaine, à découvrir au Théâtre de la Concorde du 9 au 22 mai 2025.
Après Les Fourberies de Scapin, L’Avare, Don Juan, et maintenant Le Malade imaginaire, le jeune arménien ne cesse de rendre hommage aux textes de Molière. Et ce, dans un style qui lui est propre. Entre un doigt d’honneur par ci et un « je m’en bas les couilles » par là, le metteur en scène ancre la pièce dans l’ère du temps. De quoi faire trembler Molière dans sa tombe.
La pièce raconte l’histoire d’Argan, un hypocondriaque manipulé par sa seconde épouse Béline, intéressée par son héritage. Son souhait le plus cher est de marier sa fille Angélique à un médecin, Thomas Diafoirus. Malheureusement pour lui, elle est amoureuse de Cléante.
Toinette, la servante déguisée en médecin, parvient à déjouer les plans d’Argan. Pour révéler les vraies intentions de Béline et d’Angélique, ce dernier feint la mort. Pensant toucher l’héritage, Béline se réjouit aussitôt, tandis qu’Angélique est profondément bouleversée par le soudain décès de son père. Touché, Argan accepte finalement le mariage d’Angélique avec Cléante, à condition qu’il devienne médecin.
La pièce commence tout en douceur avec une belle interprétation de XNXX de Dinos, chanté à la guitare en acoustique. Sur scène, le public fait face à Argan, incarné par Tigran Mekhitarian. Le protagoniste fait une apparition aussi burlesque que surprenante : caleçon baissé, ordinateur sur les genoux, assis sur des toilettes. On ne peut alors s’empêcher de se demander… Molière est-il jaloux de ne pas avoir eu l’idée en premier ?
Au fur et à mesure du récit, se dévoilent des acteurs au jeu saisissant et aux performances musicales entrainantes. Car oui, s’il ne s’agit pas d’une comédie musicale à proprement parler, le metteur en scène n’hésite pas à faire chanter ses personnages à des moments opportuns. Sans aucun doute, la meilleure performance fut celle des deux amoureux, chacun debout sur une table alors que l’ignorant Diafoirus profite du spectacle, assis entre les deux. Ce choix artistique était assez risqué, car il aurait facilement pu paraître décousu de la pièce et arriver comme un cheveu sur la soupe. Mais Tigran Mekhitarian relève le défi haut la main. Sans en faire trop ni tomber dans le cliché urbano-contemporain, il arrive à faire rapper Jean-Baptiste Poquelin (Molière). On se demande si la cover de PNL aurait mis Molière en PLS, ou l’inverse. Peut-être aurait-il été séduit par la poésie d’À l’amoniaque — « Je remplace centimes par sentiments, mon cœur se transforme en billets ».
Les dialogues, quant à eux, laissent mitigé. Pour une pièce qui se veut actuelle, accessible et attrayante à un public jeune, certaines tirades peuvent parfois être difficiles à suivre. Quitte à inclure des expressions contemporaines lors de certaines interactions, autant aller jusqu’au bout et adapter le texte entier. Ici, les « je m’en bas les couilles » arrivent de manière trop brusque et peinent à maintenir la fluidité de la mise en scène. Si l’intention était honorable, l’exécution, elle, ne convainc pas. Pour autant, Molière aurait sûrement été ravi que le metteur en scène reste (à quelques mots près) fidèle à son texte originel. Alors si votre culture tourne autant autour de Planète Rap que du théâtre classique, cette pièce ne peut que vous séduire…
Visuel : © Le Malade imaginaire, version Tigran Mekhitarian CR : Laura Bousquet