« Wonnangatta » aux Plateaux sauvages : heurs et malheurs de la camaraderie virile

Pister un tueur

C’est par deux voisins que nous est racontée cette histoire : Harry (Vincent Winterhalter) et Riggall (Serge Hazanavicius), qui le suit dans sa quête de Jim Barclay, un fermier d’abord porté disparu. En fouillant un peu partout, sans vraiment y être invités, dans la ferme de l’absent, ils finissent par découvrir son cadavre. Harry en est sûr : le coupable est Bamford, le garçon de ferme de Barclay. Il emmène alors son camarade sur les traces de celui qu’il considère comme un fugitif, pour venger son ami.

Wonnangatta reprend les schèmes des récits d’aventure et de camaraderie virile, avec les flingues, la recherche de vengeance personnelle, l’errance dans de grands espaces, la langue rapeuse et populaire des deux personnages et la monstration continue de courage physique et de virilité : « Prends-toi pour un homme ! », lance Harry à Riggal. Pour ce faire, il mêle récits et dialogues, tous deux assumés par les deux mêmes acteurs. L’écriture d’Angus Cerini est, du moins dans la traduction de Dominique Hollier, faite de phrases brèves au caractère un peu (trop) appuyé.

Éventrer le plateau

La fouille et l’odyssée dans les montagnes de Wonnangatta sont suggérées plus que montrées : sur scène, point de collines, mais un sol composé de cubes de polystyrènes, que les deux compères démontent avec plus ou moins de méthode. Rapidement, le plateau est éventré et, pourtant, rien n’apparaît.

À cette destruction du sol répond celle du ciel : d’abord éclairé par un, puis cinq néons, le plateau est tour à tour plongé dans une lumière verdâtre ou rosée en fonction du lieu ou du moment de la journée. Mais, que les deux hommes traversent une tempête, et voilà que les néons pendouillent, tenus aux cintres par un simple câble. Ce travail scénographique, qui traduit une atmosphère plus qu’il ne reproduit un lieu, fonctionne.

Dire et redire la même chose

Toutefois, la mise en scène de Vincey se repose un peu trop sur cet espace. Le travail du son, notamment, est décevant : très présente, l’atmosphère sonore ne fait que redire ce que le texte disait déjà, sans apporter grand-chose. Ainsi des voix qui résonnent au moment où Vincent Winterhalter déclare : « Résonne le cri. » Cette redondance est inutile, le texte étant suffisamment évocateur.

Elle est d’autant plus dommageable qu’elle accompagne une direction d’acteurs qui semble elle-même craindre le vide. Le texte est dit rapidement, comme pour s’en débarrasser, et les respirations manquent cruellement. De ce fait, alors que les descriptions, précises, devraient permettre de se figurer assez clairement les actions et les lieux, le public ne parvient, faute de temps, que très difficilement à se les représenter. Le style heurté de l’auteur se transforme lui-même, faute de pauses, en une longue logorrhée, qui rend bavards des personnages taiseux. Enfin et surtout, l’on s’interrogera sur la nécessité de mettre en scène de nos jours une œuvre qui esthétise à ce point, et sans distance ironique, la camaraderie virile.