C’est aux Plateaux Sauvages que Victor Inisan initie la dernière étape de sa création, Mars Exploration. Reprenant les dialogues d’une archive de la CIA, datée de 1984 et tirée du projet StarGate, le spectacle nous raconte la navigation mentale d’un médium sur Mars. L’atmosphère étrange qui se dégage de la situation et la superbe scénographie de Clémence Mars fait de Mars Exploration un véritable spectacle de science-fiction.
Lors de la session de vision à distance du 22 mai 1984, Jospeh McMoneagle, militaire et membre du projet StarGate interprété par Renaud Triffault, est guidé dans l’espace et le temps par son collègue Skip, joué par Frode Bjørnstad. Dans un étrange laboratoire aux allures futuristes, Skip dicte les coordonnées du voyage à Joseph : direction la Planète Mars, 1 million d’années avant J.-C. Le magnétophone tourne.
Les descriptions narrées par le voyageur nous font rejoindre sa transe. On voit avec lui les paysages, les tempêtes, des formes qui ont « un intérieur et un extérieur » Joseph remonte progressivement le temps jusqu’à découvrir un peuple, des géants et géantes de lumière. Leur environnement est devenu invivable, les Martien·ne·s sont en phase d’extinction. Certain·e·s sont parti·e·s en quête d’une nouvelle planète à la végétation luxuriante, tandis que d’autres hibernent dans des bunkers, sur Mars.
Rappelant vaguement La nuit des temps de Barjavel, le récit tend surtout un miroir aux spectateur·ice·s. En voyageant mentalement sur Mars dans le passé, on observe aussi un possible futur sur Terre. Parfois la réalité rappelle la science-fiction.
Le décor, signé par Clémence Mars, est composé de plusieurs éléments particuliers, uniques. Il ajoute de l’étrange beauté à une situation flottante. La structure centrale en coude, qui relie Skip à Joseph, est la pièce maîtresse de l’ensemble, elle vient équilibrer le plateau et prolonge l’expérience de science-fiction des spectacteur·ice·s.
Les déplacements des comédiens sont rares, Victor Inisan opte pour une mise en scène faite de lumières et c’est très réussi. D’abord, on est plongé dans une atmosphère presque inquiétante. On cherche à discerner des formes sur un plateau faiblement illuminé par des néons rouge acide, bleu électrique ou blanc froid. Ensuite, la situation devient à la fois calme et pesante. Le silence entre les mots se percute à la création musicale de fond de Samuel Chabert. Cette faible musique lancinante reste assez discrète, mais permet à notre conscience de rejoindre progressivement la transe de Joseph. Les jeux lumineux apportent, eux, du dynamisme à la lenteur du récit, dicté par les voix douces des comédiens.
Ces voix sont rondes, le grain semble imiter celui d’un enregistrement. C’est comme si on écoutait l’archive, comme si on assistait à la transcription exacte du voyage du médium. Les textures sonores sont vraiment intéressantes. Renaud Triffault est allongé dans une structure étrange, une sorte de fauteuil qui semble absorber les bruits de son corps. Le décor parle, il met en avant ou absorbe le bruit : si les pas de Skip sont étouffés par le sol dallé, seule la plateforme du « fauteuil » de Joseph craque comme du parquet. Ainsi, chaque matériau qui compose le décor possède sa texture, son identité visuelle et sonore.
Mars Exploration, d’après une archive du projet StarGate
Mise en scène et création lumière Victor Inisan
Dramaturgie Nina Ayachi, Icare Bamba, Pascaline Défontaines et Victor Inisan
Scénographie Clémence Mars
Création musicale Samuel Chabert
Vidéo Patryk Kaplita
Collaboration technique Ornella Lukac et Clarisse Sebilo
Avec Frode Bjørnstad et Renaud Triffault
Jusqu’au 19 janvier aux Plateaux Sauvages
Visuel : ©Pauline Le Goff