A l’occasion du festival d’Avignon, du 6 au 29 juillet au petit théâtre des 3 Soleils-Buffon, Pierre Jouvencel convoque Victor Hugo. Seul en scène pendant 1 heure, l’auteur-interprète disparaît sous la longue barbe du père du XIXème siècle. Dans un monologue à la première personne, il nous raconte un parcours unique et fondateur qui a marqué l’histoire de France.
Victor Hugo est avec nous. La salle disparaît dans l’obscurité totale, puis la lueur d’une bougie entoure une silhouette qui apparait de plus en plus nette, et avec elle le charisme imparable du grand homme survole les gradins. Pierre Jouvencel laisse s’installer le silence quelques secondes avant de le briser de sa voix tonitruante. Naturellement le récit démarre par le jour de sa naissance « ce siècle avait deux ans,… » lorsqu’il naît en 1802. Le texte articule les grandes séquences de sa vie. Les plus connues et certaines presque oubliées. Alors on se rappelle les morceaux que Victor Hugo a semés en nous : d’abord à l’école, puis dans la littérature, enfin dans notre conscience politique. Premier contributeur de l’imagerie populaire d’un pays, d’une époque, il a couvert près d’un siècle de ses publications, de ses engagements, de ses prises de position.
Sa vie, son œuvre, ses amours, ses deuils, son exil. On revisite son parcours de vie et son chemin de croix. On passe d’une émotion à une autre comme un caléidoscope de nos propres souvenirs. Le port altier de Pierre Jouvencel, son regard polisson et son éventail d’intonations nous permettent de côtoyer le génie. Le verbe haut devant les assemblées politiques, en rimes depuis son exil sur les îles de Jersey et Guernesey que ses positions anti-bonapartistes n’ont pas réussi à ensilencer, en spectateur du quotidien moribond de ce siècle terrible. On chemine à ses côtés, même aux moments tragiques de sa vie de père et on voit la lueur diminuer au dernier soir de sa vie. La bougie s’éteint, on quitte la salle orphelin.
On découvre les différentes facettes du grand homme : Poète, écrivain, journaliste, politique. Hugo, le prolixe était d’abord un observateur insatiable et passionné pour nourrir son œuvre avec tant de détails descriptifs et introspectifs. La moindre scène de rue, les bonheurs simples de la vie, les douleurs des petites gens comme celles des puissants sont radiographiés et scannérisés pour archivage national. Il a disséqué toute une société, son organisation par strates, ses mœurs corsetées. Il s’est intéressé aux croyances, il a défié la morale jusque dans sa vie privée, et a provoqué la question du genre bien avant le droit de vote pour les femmes. En visionnaire éclairé, il a été le premier à dénoncer l’hérésie d’une civilisation qui applique la peine de mort, ou qui perpétue l’esclavage. C’est lui aussi, pragmatique qui met en garde contre la violence refoulée de la misère, goupille viscérale de la bombe humaine. Ses positions l’ont souvent conduit à une posture avant-gardiste pour l’égalité des sexes ou encore pour la liberté de la presse. Il a évolué dans ses convictions politiques, un temps royaliste, il a été jusqu’à prôner le suffrage universel. Observateur, visionnaire, avant-gardiste, on retrouve tout au long du spectacle, les ressorts de ses convictions.
Victor Hugo, un géant dans un siècle from Imagic on Vimeo.
Une scène dépourvue pour convoquer l’esprit de ce géant, seuls un pupitre et une bougie matérialisent sa vie de tribunes et sa volonté farouche d’éclairer le monde. Dans un coin, ce haut de forme caractérisable d’une bonne société, prouve que l’on peut être bien né, et mettre son talent et son énergie au profit de ses semblables. Son patronyme le prédestinait à vaincre (Victor) et à penser (Hugo). Il a préféré des adversaires titanesques. On profite durant le spectacle de son plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort et de son discours sur la misère et des poèmes romantiques ou dramatiques qui résonnent dans notre mémoire collective. Le texte transmet aussi les convulsions politiques et sociétales de l’époque qui traduisent les propres paradoxes de l’homme devant son désir universel. Assumant ses positions et retournements, toujours francs, il n’a eu de cesse d’être en mouvement. Qui veut comprendre le XIXème siècle s’intéresse à Victor Hugo. Il est indissociable de ce siècle, il est le père de ce siècle. Cet hercule à la plume d’acier, devait avoir un égo colossal pour sortir de sa condition de privilégié et penser que l’humanité était un défi à sa mesure.
Victor Hugo, Un géant dans un siècle, Auteur et interprète : Pierre Jouvencel, Mise en scène : Alexandre Delimoges, théâtre des 3 Soleils-Buffon, 4, rue Buffon, 84000 – Avignon, à 16h15.
Credit photo (c) Compagnie Elegie