« Vent à vendre » de Matthieu Girard aux Zébrures d’Automne

« Électricité Academy »

Nous sommes en 2019. Les 250 habitants d’Anse-Bleue, en Acadie, une province à l’est du Canada, reçoivent une visite un peu particulière : un homme, Daniel Brossard, se présente à leur porte pour leur parler d’une « étude » concernant un projet éolien dans la région. Les habitants, curieux, signent tour à tour ce document, qui présente une étude menée par la grande compagnie Novaco, dans le cadre d’un « Prix de l’électricité », visant à récompenser la compagnie avec le meilleur projet d’électricité renouvelable.

La surprise va être grande lorsqu’ils vont se rendre compte que « l’étude » qu’ils pensaient avoir signée ne répondait pas à la question « peut-on le faire ? », mais plutôt à « comment le faire ? ». Tous ces habitants réalisent alors qu’ils vont se retrouver avec des éoliennes à 500 mètres de leurs habitations, celles-ci étant enfoncées jusqu’à la nappe phréatique, pour un projet qui concerne en fait la commune de Bathurst, située à 50 km de la leur.

Matthieu Girard nous raconte ici l’enquête qu’il a lui-même menée auprès des habitants d’Anse-Bleue, sur cet événement peu commun qui a soulevé de nombreuses problématiques différentes. Tout d’abord, comment ces habitants ont-ils pu signer un document sans le lire attentivement ? Pour quelles raisons pourrait-on s’opposer à un projet d’énergie renouvelable ? Les compagnies qui initient ces projets sont-elles vraiment conscientes des risques pour l’humain que constituent les projets éoliens ?

L’auteur et metteur en scène retrace, avec ses acteurs, les entretiens qu’il a eus avec les habitants de la ville, ainsi que les recherches qu’il a effectuées auprès de la compagnie Novaco et des différents intermédiaires, alors que le litige était à son point culminant.

Une réflexion sur la place de l’humain dans la crise écologique

Matthieu Girard pensait que son histoire ne toucherait personne d’autre que les habitants de sa région. On constate cependant que sa pièce soulève, en fait, de nombreuses questions sociales. En effet, le cas des habitants d’Anse-Bleue montre une autre facette de la crise écologique : comment sauver la planète dans une société qui s’est construite pendant des années au détriment de celle-ci. Matthieu Girard, avec beaucoup de finesse, présente tous les aspects du problème, notamment le point de vue du petit nombre d’habitants favorables au projet, qui se justifient par l’erreur commise par la majorité de ne pas avoir lu leur contrat avec des avocats avant de le signer. Il montre également le point de vue des compagnies, comme Novaco, une entreprise unilingue anglophone qui agit dans une région unilingue francophone et qui ne traduit pas les documents qu’elle envoie. Enfin, il aborde le rôle des communes, qui réalisent des projets dans des petits patelins n’ayant même pas de représentants légaux.

Un portrait de toute une hiérarchie des décisions et des impacts d’une transition écologique mal maîtrisée et orchestrée, qui reflète la complexité de sa mise en œuvre. Une pièce à la fois drôle, éducative et foncièrement actuelle, dont les enjeux dépassent de loin la terre d’Acadie.