La Comédie française programme, jusqu’au 15 juillet, Une mouette d’Elsa Granat. Une version un peu trop sage de la pièce de Tchekhov.
Macha aime l’écrivain Treplev, qui aime Nina, fascinée par l’écrivain à succès Trigorine. Nina veut devenir comédienne et Treplev renouveler la littérature. Trigorine, lui, a des ambitions plus simples : entretenir son succès et son amour des femmes. Vous aurez reconnu, en quelques mots, l’argument de La Mouette.
Bien entendu, il faudrait y ajouter quelques intrigues plus ou moins secondaires : les relations difficiles entre Treplev et sa mère, la célèbre actrice Irina Arkadina, ou encore les querelles littéraires entre Treplev et Trigorine. Une chose est sûre : qu’il s’agisse d’amour ou de littérature, la pièce tourne autour de la recherche d’absolu et de l’inévitable déception causée par la vie, bien terne à côté des rêves de grandeur.
La pièce que met en scène Elsa Granat à la Comédie française s’intitule Une mouette : il s’agirait là de sa propre vision de la pièce de Tchekhov. Elle a donc décidé, avec sa dramaturge et fidèle partenaire Laure Grisinger, d’étoffer les relations entre personnages en présentant au plateau les prémisses de ce qui se joue chez Tchekhov : les spectateurs découvrent ainsi les débuts scéniques d’Irina Arkadina et, surtout, l’origine de sa relation orageuse avec son fils. Pour le reste, elle suit le texte avec précision, au point que l’on y identifie avec exactitude les mots des traducteur·rices André Markowicz et Françoise Morvan.
Ce sont ces deux fils que la metteuse en scène suivra principalement : l’art et les relations mère-fils. Le premier est mis en évidence par une scénographie, signée Suzanne Barbaud, exhibant très fortement la théâtralité de la pièce. La campagne russe est ainsi signifiée par une gigantesque toile peinte placée en avant-scène, que les personnages peuvent manipuler comme s’il s’agissait d’une bâche ordinaire. Les costumes ne sont pas en reste : alors que les personnages portent des vêtements contemporains, Irina Arkadina, jouée par Marina Hands, arbore des tenues toutes plus extravagantes les unes que les autres, faisant ainsi étalage de sa condition d’actrice et d’amoureuse du luxe.
Quant aux relations entre Treplev et sa mère, elles sont surtout développées dans l’ajout liminaire, qui donne à la pièce un aspect psychologisant bien décevant : en réduisant La Mouette à cette relation, la proposition d’Elsa Granat lui fait perdre de sa singularité et de son intérêt. Là est finalement le paradoxe de cette Mouette : la metteuse en scène nous avait promis une lecture personnelle, comme elle l’avait fait l’an dernier de la Maison de poupée d’Ibsen. Mais le « préquel » – pour reprendre ses mots – ne suffit pas à apporter une touche personnelle à la pièce de Tchekhov.
Bien au contraire, la pièce est ici livrée dans une version sage, un rien triviale, et somme toute peu originale. On notera bien sûr la qualité des acteurs et actrices du Français – outre Marina Hands en Arkadina, Julie Sicard en Macha éplorée, Loïc Corbery en Trigorine infâme, Julien Frison en Treplev tourmenté ou Adeline d’Hermy en Nina naïve. Mais cela ne suffit pas à sauver la pièce.
Une Mouette, d’après Anton Tchekhov, adaptation et mise en scène Elsa Granat, traduction André Markowicz et Françoise Morvan. À la Comédie française (salle Richelieu) jusqu’au 15 juillet.
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Francaise