La Pop poursuit sa ligne de conduite entre musique et théâtre avec cette pièce qui met en scène et en son trois interviews de l’anthropologue à qui l’on doit le mouvement Occupy Wall Street en 2011.
Sur le plateau se trouvent des chaises, un rideau de fils blancs de plusieurs rangées. Nous découvrons bientôt Miho Kiyokawa au saxophone, Sulivan Loiseau à la contrebasse et Virgile Pellerin au chant. Pour le moment, iels se présentent et en profitent pour nous exposer le budget de leur spectacle : 50 000 euros, dont 50 pour les costumes. Ce n’est pas inutile de le rappeler : le désengagement de l’État a des conséquences, et la compagnie est notamment soutenue par la région la plus solidaire du secteur, les Hauts-de-France. Soutenir est une décision. Mettre le public face à la réalité est déjà une porte d’entrée dans la pensée révolutionnaire de Graeber. Chez lui, pas de Grand Soir, mais l’idée géniale que, dans un monde de domination capitaliste, la meilleure solution est de l’ignorer pour le combattre et de s’imaginer vivant·e déjà libre. The Democracy Project est le titre de l’un de ses livres.
Aux USA comme en France, la richesse est dans les mains d’1 % de milliardaires qui, au lieu de redistribuer une infime partie de leurs dividendes, exploitent les travailleur·euse·s au point de rendre le burn-out désirable. La mise en scène nous propose d’écouter, de trois façons différentes, trois interviews du penseur. À chaque fois, la musique s’en mêle, mais pas une musique attendue. Les instruments, eux aussi, préfèrent l’action à la protestation. Ils dissonent, ne font pas ce que l’on désire.
Dans une belle élégance, et avec de forts traits d’humour dans le parallèle posé entre le spectacle en cours et la pertinence de la pensée de Graeber quinze ans plus tard, toustes échangent leurs rôles pour illustrer l’horizontalité sans aucune hiérarchie des citoyen·ne·s. Cela passe aussi par une utilisation totale de l’espace de La Pop, qui est une péniche, dans toute sa longueur , et même un peu dehors !
Au bout de cette heure, les réflexions de Graeber n’ont plus aucun secret pour nous, et l’envie de suivre de près La Phénoména est urgente.
Vendredi 28 novembre – 19h30 – suivi d’un bord plateau
Samedi 29 novembre – 19h30
Durée : 1h
À la Pop.
Visuel : ©Thaïs Breton