La Compagnie STADIOS nous emporte au Théâtre de la Reine Blanche dans un joyeux tourbillon féministe musical et pro-IVG. Un délice !
Elle s’appelle Rebecca Gomperts et existe véritablement : elle est une de ces femmes qui vous donnent des complexes. Gynécologue brillante, militante infatigable, guitariste amatrice…
Elle est surtout connue pour son engagement auprès des femmes privées d’IVG à cause de lois d’un autre temps. Alors, avec un bateau, elle a sillonné les eaux territoriales de la planète, au large de ces pays tragiquement réactionnaires. Une femme rebelle, on vous, dit, comme le montre le nom de son navire, Aurora, comme le cuirassé éponyme. Mais si, vous la connaissez : on en avait beaucoup parlé voilà vingt ans, alors que le Portugal lui interdisait l’accès à ses côtes… Et qu’on s’apercevait que l’Europe n’était pas épargnée par les législations misogynes.
Plus qu’à Rebecca Gomperts, toutefois, c’est à une gynécologue fan de Rebecca Gomperts que s’intéresse le spectacle de Mathilde Wind. Elle emporte ainsi le public dans la folie d’un vrai-faux documentaire, où la comédienne Juliette Fribourg joue cette gynéco tout en commentant l’action à la manière d’un joyeux coryphée.
Joyeux, parce que la sempiternelle lutte des femmes à simplement disposer de leur corps est présentée avec allégresse. La musique n’y est pas pour rien : si Rebecca Gomperts joue de la guitare, sa groupie ne se fait pas prier pour effleurer quelques cordes d’une guitare électrique qui offre au combat pour l’IVG les conventions sonores de ces films d’action si testostéronés. Peut-être est-ce d’ailleurs la dimension la plus féministement punk – ou punkement féministe – de cette proposition : parvenir à inverser les codes esthétiques des mondes masculin et féminin.
Joyeux, aussi, parce que les interruptions incessantes de cette gynécologue, crevée mais pas lasse, sans cesse sollicitée par ses patientes, collègues et infirmières, donnent à la pièce un rythme enlevé, sans aucun temps mort. Ainsi, la constante tension des soignant·es des hôpitaux publics français devient comique de situation, façon Les Fâcheux 2025.
Joyeux, enfin, parce que le tout ressemble à un étrange pot-pourri, qui mélange le vrai et le faux, la musique électro et la chanson française des années 1930. Et, surtout, nous offre, par le biais de faux reenactements, des émissions rebelles qui n’ont jamais existé : ah, cette parodie du « Aujourd’hui Madame » de 1974, où Gisèle Halimi, désormais, non seulement déconstruit les arguments de la réac qui lui fait face, mais surtout lui crache enfin à la gueule ce que nous pensons toutes… Le bonheur de voir ce monde parallèle créé par la simple magie du théâtre !
The Aborrrtion Ship, de Mathilde Wind. Au Théâtre de la Reine blanche jusqu’au 18 décembre. Le spectacle est egalement en lice pour le Prix Impatience, il sera présenté les 10 et 11 décembre à la MAC.
Visuel : © Noé Mercklé