Le festival Les Inaccoutumés bat son plein à la Ménagerie de verre. Il accueillait ce lundi 16 octobre la première mise en scène de la célèbre comédienne Suzanne de Baecque. Tenir debout est une pure réussite.
La célèbre salle de la Ménagerie a une drôle d’allure. Le plateau hésite entre un champ de course de chevaux et un bal de promo. Raphaëlle Rousseau, que nous avons récemment adorée dans Discussion avec DS au théâtre de la Bastille, se maquille face au miroir sur lequel est accrochée une écharpe de « Miss Retraite ». Le ton est donné, plutôt léger au départ, pour devenir au bout du podium violemment contenu. Suzanne nous raconte comment elle a tenté de devenir Miss Poitou-Charente 2020, et comment ce projet, qui n’a toujours été que du théâtre, a été l’occasion de croiser la route de filles qui voulait vraiment être miss. Elles se nomment Klara, Lolita, Chloé… La pièce interroge, dans le monde d’après #metoo, les motivations que peuvent avoir ces très jeunes femmes à être des icônes de beauté, à uniquement être réduites à des icônes de beauté.
Ces deux comédiennes dévorent le plateau. Elles nous font passer du rire (la scène de hula-hoop est magistrale) à la folie (les filles sont dressées comme des chevaux) en passant par les drames de ces vies réduites à une apparence dans laquelle les filles sont anonymisées en devenant un numéro. Même si le monologue de fille de Suzanne de Baecque manque un peu de force et semble arriver de façon trop abrupte après une scène très juste de crêpage de chignon, ce Tenir debout tient justement la route, autant par sa dramaturgie que par sa scénographie. C’est du grand et beau théâtre d’aujourd’hui. En mêlant les témoignages glaçants des candidates à la couronne et la fiction du spectacle, Tenir debout dénonce avec intelligence la sexualisation en apparence consentie des corps de ces jeunes femmes.
À la Ménagerie de verre jusqu’au 17. Le festival se poursuit tout l’automne. Informations et réservations
Visuel ©Jean-Louis Fernandez