Saviez-vous que la baisse des nuisances sonores humaines induite par le confinement avait permis aux oiseaux de chanter moins fort ? C’est à une balade de découverte des sons du vivant que Pauline Ringeade et Claire Rappin nous convient dans SILENCE VACARME.
Combinaison de jean et micro à la main, Claire Rappin joue son propre rôle. Celui d’une jeune femme oscillant entre la Belgique et les Vosges, mais dont l’enfance eut lieu un rien plus au sud, dans les Pyrénées-Orientales, non loin du Pic du Canigou.
C’est là, entre le jardin bien ordonné de sa mère, Thérèse, et celui plus anarchique de sa grand-mère, Teresa, que la jeune Claire découvrit le son de la nature. Celui des oiseaux, dont elle reconnaît le ramage, mais aussi ceux des végétaux et des minéraux, qui ont, eux aussi, leur voix. La légende raconte même que son grand-père retrouva, à l’oreille, la présence d’une source souterraine.
Cette évocation de l’enfance fait la part belle à la mythologie familiale, mais surtout aux sonorités, qui déterminèrent le rapport au monde de la future comédienne et compositrice. Cette écoute subtile et attentive, à laquelle nous ne sommes plus guère habitué.es, Claire Rappin et Pauline Ringeade entendent nous y rendre sensibles.
Elles composent pour cela un tableau sonore impressionniste, où nous passons par petites touches musicales de cette enfance heureuse à l’âge adulte, le tout entremêlé de conversations scientifiques sur la bioacoustique, l’étude du son du vivant. Pour peindre cette toile musicale, Claire Rappin se saisit avec une incroyable maîtrise de tout ce qui est à sa disposition : batterie et flûte – qu’elle a tôt fait de transformer en appeau –, mais aussi les sons émis par son propre corps, tels que des chants, des sifflements, ou, grâce à un échographe, les battements de son cœur.
Ces sons sont prétextes à un malicieux portrait de la grand-mère Teresa, plein d’humour, mais aussi à une réflexion sur la condition féminine et sur notre rapport au vivant. Ce sont toutefois bien les modulations du monde, avec l’accent de la grand-mère, le chant des oiseaux et les ondes rhizomatiques des bambous, qui fournissent le subtil fil dramaturgique du spectacle. Les deux jeunes femmes convoquent ainsi toute la musique du monde, qui envahit la grande salle de la Manufacture, laquelle, à la manière d’une volière, bruit de tous ces timbres. C’est ainsi à un beau moment d’écoute et de pause, hors du vacarme des hommes, que nous invite la nouvelle création de Pauline Ringeade.
SILENCE VACARME, théâtre et musique, mise en scène Pauline Ringeade, avec Claire Rappin. Jusqu’au 19 avril à la Manufacture de Nancy, puis du 23 au 26 mai au festival Théâtre en mai du CDN de Dijon et du 23 au 30 mai au Festival sur terre des Deux scènes, scène nationale de Besançon.
Visuel : ©André Muller