Après son grand succès au Festival d’Avignon, le Richard II de Christophe Rauck arrive aux Amandiers. Le directeur des lieux y dirige d’une main de maître Micha Lescot dans une mise en scène léchée et totally british.
La famille rime avec amour ? Qui peut sérieusement dire cela ? L’histoire (occidentale) de l’humanité a même commencé avec un frère qui tue son autre frère. Chez Shakespeare, les liens du sang sont toujours sur-infectés et Richard II est un modèle du genre. La pièce fait partie du cycle Histoires (Histories) de William Shakespeare dédié aux rois d’Angleterre. Elle s’ouvre sur un fait d’actualité de l’époque.
Disons que l’affaire ferait les choux gras des réseaux sociaux. Pour nous, quelques siècles plus tard, le contexte est un peu flou lui aussi. La pièce s’ouvre en 1398 sur une violente querelle entre Bolingbroke et Mowbray. Il y a eu trahison et elle sera punie d’exil. Et autant dire que les vieux cousins ne sont pas d’accord avec cette sentence.
Ce flou-là, Christophe Rauck le symbolise avec un rideau de voile semi-opaque. On devine le corps gracile de Micha Lescot qui détonne par le blanc de son costume. Chaque comédien est posé sur un halo de lumière dans une esthétique qui fait penser à l’univers de Joël Pommerat, toute en noir et blanc.
Quand le rideau s’ouvre, nous découvrons une scénographie épurée et splendide, faite uniquement de deux gradins manipulés à la main et de projections faisant office de décor (un palais, des vagues…). Nous voici plongés dans un milieu d’hommes (il y a une seule femme dans la pièce, la reine, qui n’a rien d’autre à faire qu’attendre). Ils sont tous cousins ou oncles et ont tous une seule idée en tête : couper celle du roi.
Il faut dire que ce despote-là énerve. Monté adolescent sur le trône, il n’a cessé de vider le trésor et d’offrir des titres à tout-va. Cela en est trop pour Bolingbroke et Mowbray qui feront tout pour se venger.
Les costumes sont des complets aux détails délicieux. Tissus prince de galles (cela ne manque pas d’humour), ou bleu-En Marche. Les vêtements sont ici aussi politiques que les mots.
Dans sa mise en scène expressionniste où la troupe est particulièrement mise en lumière, Christophe Rauck vient faire résonner cette histoire avec les crises politiques que nous traversons sans cesse.