« Ressources Humaines » une fresque théâtrale saisissante signée Élise Noiraud

On le sait, Elise Noiraud a un sérieux penchant pour les récits qui explorent la condition humaine, comme en témoigne sa précédente « Trilogie » (présentée au théâtre transversal en 2022), dans laquelle elle retraçait, en trois épisodes, le parcours de vie d’une jeune fille, de son enfance à ses 19 ans. Avec « Ressources Humaines », librement inspiré du film éponyme de Laurent Cantet, la metteuse en scène ne déroge pas à la règle. C’est entourée d’un collectif de brillants comédiens (Benjamin Brenière, François Brunet, Sandrine Deschamps, Julie Deyre, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet et Guy Vouillot) qu’elle adapte pour le théâtre, l’histoire de Franck, un jeune étudiant d’une grande école de commerce parisienne. De retour en Province, le temps d’un stage dans l’usine où son père est ouvrier, il va se confronter à de nouvelles réalités.

« Je n’ai pas changé, j’ai grandi »

Dès le début du spectacle, sur un plateau presque nu (à l’exception de chaises et de quelques tables) c’est depuis le regard et les pensées de Franck que l’histoire se déploie. À la manière d’une caméra subjective, nous sommes avec Franck. Nous vivons son retour en famille, éprouvons le plaisir des retrouvailles et sa joie, naïve, de la découverte de l’usine, de la salle des machines à ses bureaux.

« L’insurrection qui vient »

Construite en différents plans, séquences sculptés par le travail des lumières, la mise en scène agit comme un révélateur des tensions qui émergent au fil de la narration. Nous sommes pris à témoin, confrontés aux dynamiques de pouvoir de l’entreprise et aux subtils mécanismes du transfuge de classe. De la machine à café à la salle de réunion, nous voyons bien que Franck n’est plus raccord avec ceux qu’il connaissait. Impuissants, nous assistons à la dispute qui surgit en soirée, venant l’opposer à ses amis. Inquiets, nous observons les liens qu’il commence à tisser avec son patron. Au fil du spectacle, les rapports de force s’accentuent et l’on sent arriver l’engrenage : réussir ou trahir, Frank va devoir choisir. Nous voilà submergés.

Avec « Ressources Humaines », Elise Noiraud et ses comédiens complices nous tiennent en haleine du début à la fin. L’interprétation intense et la mise en scène donnent à voir la complexité de la condition humaine, dans sa fragilité et sa force. On ne décroche pas une seule seconde de cette fresque théâtrale, tout autant sociale que familiale. Lorsque les lumières se rallument, c’est le cœur serré, voire les yeux humides, que l’on repart. Un spectacle coup de poing, résolument humain.