« Réponse sexuelle », la langue politique de Marine Fabre s’empare du Off d’Avignon

par Amélie Blaustein-Niddam
09.07.2025

Plus on écoute les textes de cette jeune autrice, plus on voit en elle la force d’une Sarah Kane qui se planquerait sous beaucoup de douceur apparente. L’air de rien, simplement, Marine Fabre dézingue les questions de genre pour en faire une loge de la métamorphose.

« Charles Bovary sans la consistance d’un Charles Bovary »

Nous voici dans l’adorable Figuier Pourpre, un très joli lieu tout feutré, et bien climatisé. À l’intérieur, une toute petite salle de spectacle, quarante places tout au plus, et sur scène, nous découvrons une baignoire pleine de coussins, un tapis sur lequel est posé un téléphone rouge à cadran, et une pile de livres. Laura Leponce Grasset entre, se glisse dans son bain et commande à Alexa une chanson des Pink Martini. Elle nous parle de Julien, le héros de son futur roman, ou plutôt, elle nous parle de la façon dont Françoise, son éditrice, a balayé d’un revers son manuscrit en lui arguant, en substance, qu’une femme ne pouvait pas entrer dans la peau d’un homme.

« Mon corps est un bâillon qu’aujourd’hui, je déchire »

L’autrice va alors inventer un stratagème pour que Françoise puisse voir la vérité, celle qu’un genre ne dicte pas une plume. Pour entrer dans le moule de la bourgeoisie littéraire du 5e, elle se grime, au sens propre comme au figuré, pour pouvoir exister. Avec un jeu entre gravité et légèreté, Julie se bat pour obtenir tout ce qu’elle désire. Elle peut compter, au bout du fil, sur sa meilleure amie Vicky, qui l’écoute autant qu’elle l’écoute, une vraie amitié où l’on peut tout se dire sans aucune censure.

« Déjà mon sexe a disparu dans la nuit de ma langue »

La star de cette pièce, c’est la langue. Marine Fabre écrit avec des dents, des nerfs et des fêlures. Son personnage, Julie, devient marionnettiste de sa propre humiliation, elle rejoue, singe, déforme les paroles de Françoise, sa tutrice toxique, comme pour l’exorciser. Laura Leponce Grasset, seule en scène, passe d’un ton à l’autre, incarne à la fois l’humiliation, l’humour, le doute, l’ironie. Elle se parle, elle nous parle, elle parle au monde de l’édition, à celui du théâtre, à tous ceux et celles qui veulent enfermer les autrices dans une identité de genre, comme dans une case marketing. Ce faisant, elle tire une flèche (chorégraphique) en plein cœur d’un monde d’avant, toujours tristement actuel.

Du 4 au 26 juillet à 16h20 (relâche les 10, 17, 24), durée 1h10, au Figuier Pourpre – Maison de la Poésie d’Avignon.

Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.

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