En toute fin de festival, il se passe souvent des miracles, des rencontres que nous n’attendions pas. Découvrir le metteur en scène, performeur et comédien Malicho Vaca Valenzuela en fait partie. Reminiscencia est un témoignage sensible, drôle et politique qui vous attrape par le bout des yeux sans jamais vous lâcher.
Cela ne vous a sûrement pas échappé, au moment des saluts, dans tous les spectacles, les artistes signent un cœur avec leurs doigts ou leurs mains en fonction de leur génération. Malicho Vaca Valenzuela le fera aussi, mais avant, bien avant, il va être le cœur pris par les racines, celle du palmier. Nous voici en 2021 en pleine pandémie. Malicho est confiné dans la toute petite maison de ses grands-parents à Santiago. En bon artiste, il crée avec ce qui l’entoure. Alors les stars du spectacle, ce seront eux deux, amoureux et ensemble depuis soixante ans. Mais pas uniquement. Il fait performance de toutes les traces que la ville laisse quand elle s’endort. Toutes les traces qui ne devraient pas être là. Tous les symboles écrits sur les murs dont on a perdu le sens. Bloqué chez eux, il ausculte Santiago sur Google Maps et découvre ici et là des plaques au sol. Elles parlent toutes d’amour, elles sont toutes signées d’un certain JRC et, surtout, elles sont ponctuées de cœurs et d’un… « Palmier romantique ».
Le dispositif scénique est une forme classique de conférence performée. Il est seul en scène, assis à une table, devant un micro. Il a devant lui un ordinateur et derrière lui un écran qui occupe tout l’espace. Il va lancer une présentation vidéo qu’il commente. Écrit ainsi, ça n’a l’air de rien, n’est-ce pas ? C’est exactement pour ça que nous n’avons pas commencer cette critique en vous décrivant le « décor ». Cette forme, très fragile, ne peut exister que par une présence parfaite au plateau. Lui occupe le théâtre du sol au plafond, juste avec un regard et un léger mouvement des bras qui reproduit à l’identique celui de son grand-père qui chante de vielles chansons d’amour à tue-tête à sa dulcinée qui, elle, perd la tête. Les médecins savent cela, mais ne l’expliquent pas : les malades atteints de déficience mentale retrouvent toutes leurs facultés le temps d’une chanson ou d’un spectacle. Le temps que dure le morceau, sa grand-mère est là, sur « on ». Pourquoi l’éteindre ? Autant chanter tout le temps.
Reminiscencia dépasse de loin le cadre de l’intime. C’est un intime pluriel. Malicho Vaca, en zoomant sur les moindres détails de son quartier, nous raconte l’histoire politique de son pays. Non loin de son lieu de confinement se trouve une place où ont lieu tous les rassemblements et d’où partent toutes les révolutions. Et de belles révolutions, celle de 2006 pour lui, alors adolescent, qui a manifesté pour une éducation libre et gratuite pour tous et toutes. Reminiscencia est une collecte de fragments invisibles. Elle prouve qu’un regard d’artiste transforme un objet banal en chef-d’œuvre. L’obsession de Malicho pour les détails révèle du merveilleux et de l’inattendu. Il nous embarque loin, dans les tréfonds de l’histoire sociale de sa ville et, on le sait, Malicho, on ne fera plus jamais sin ti. Le spectacle vivant t’a vu, il te garde.
Jusqu’au 21 juillet à 11 heures et 18 heures, lycée Mistral.
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Visuel : © Christophe Raynaud de Lage
En tournée :
Le Quai – CDN d’Angers-Pays de la Loire
les 16 et 17 octobre
Théâtre L’Aire Libre, Saint-Jacques de la Lande
les 20 et 21 novembre
Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roi
le 28 novembre
Next Festival, Lille
les 29 et 30 novembre
Théâtre Vidy-Lausanne
du 4 au 8 décembre